Les rayons du soleil s’infiltrent par les interstices des volets clos sans parvenir à entamer la pénombre salutaire de la chambre. J’aime ces instants, je me délecte de sa présence tout en me prélassant contre elle. Une charmante volupté a engourdi nos corps. Un simple voile de coton la recouvre délicatement, laisse transparaître son grain de peau hâlé. Son parfum suave et vanillé s’exhale de l’étoffe, chatouille mes sens. Lové au creux de son ventre j’en sens la chaleur, l’humidité, j’en devine la douceur. Cette agréable moiteur me gagne et nous ne faisons plus qu'un, unis dans une même langueur. Nous nous abandonnons au plaisir de la sieste par ce bel après-midi d'été. Ses mains posées près de moi sont parfois prises de légers soubresauts. Par moment l’une de ses paumes erre sur mon dos, je retiens mon souffle dans l’attente d’une caresse… Puis nous retombons dans notre léthargie, heureux et comblés. J’apprécie sans remords les bienfaits de ce repos mérité. Mais voilà que je la sens bouger, s’étirer, se lever ! Elle s’éloigne à pas de loup sans m’adresser le moindre regard. Je guette. J’entends couler l’eau d’une douche rafraîchissante qui va laver l’odeur que j’ai pu laisser sur sa peau. Le bruit du jet s’arrête, ma belle va se vêtir de ses plus beaux atours, je comprends alors que je vais finir la journée sans elle, une fois de plus. Ses rendez-vous l’attendent, elle se presse. Grognon, je m’extraie des draps et quitte moi aussi ce lieu. J’évite de la croiser, je fuis même son reflet en passant devant la glace de la salle de bains où elle doit redessiner avec soin le contour de ses lèvres gourmandes à moins qu’elle ne soit en train de souligner ses jolis yeux noisette avec son mascara. Puisqu’il en est ainsi, je ne lui dirai pas « au revoir », je ne me frotterai pas contre ses jambes élancées lorsqu’elle viendra me susurrer « à ce soir » avant de franchir le seuil de la maison. Non, je préfère l’ignorer et gagner mon panier d’osier au fond du couloir où personne ne vient jamais, où je peux ronronner et ressasser mes déceptions sans être dérangé.