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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 15:25

J'avais envie d'un peu de poésie aujourd'hui et ces quatrains en alexandrins me sont revenus. Je les partage avec vous :

 

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.


À peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.


Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !

L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !


Le Poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

 

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 15:01

Voici le texte créé pour le jeu d'écriture n°82 du forum littéraire Maux d'Auteurs. Le thème était libre, mais l'histoire devait commencer par "Et si... ?). L'occasion pour moi de "revisiter" à ma façon une chanson que j'aime  :


 

Et si… j’avais été plus sage ?

Cette matinée-là, fuyant les vieilles Rétaises cachées derrière leurs volets verts, nous courûmes à perdre haleine jusqu’au bois de Trousse-Chemise. Seules les victuailles s’entrechoquant dans notre panier et nos souffles courts faisaient écho à nos pas pressés. Passé l’orée, malgré un soleil déjà haut, une ombre salvatrice nous protégea de la chaleur inhospitalière. Les aiguilles de pins, trop sèches, craquaient sous nos espadrilles. Sans ralentir, nos jambes nous portèrent jusqu’à l’anse débouchant sur notre plage, loin des importuns. Là, nous nous affalâmes sur le sable où la marée avait roulé puis abandonné quelques galets roses et ocre. Nous nous tenions les côtes en riant de notre impertinence et en imaginant les ragots qui, portés par des bouches édentées, devaient déjà courir à travers les ruelles de l’île de Ré.

Nous nous baignâmes à la découverte, nous éclaboussant tels les enfants que nous étions encore ; épris l’un de l’autre, sans jamais rien oser, comme des adolescents troublés et malhabiles.

Toujours gaie, les joues rosies, tu étais ma princesse et je voulais être ton chevalier.

Insouciants, nous avions grandi ensemble, sans craindre de croquer à pleines dents une vie riche d’espiègleries. Au fait des secrets de l’un et de l’autre, main dans la main, bouche contre oreille, nos voix chuchotaient des messes basses que bien des curieux auraient voulu entendre.

Sitôt sortis de l’eau, nous profitâmes d’un pique-nique bien mérité et arrosé d’un généreux vin fruité tout en dévorant des tartines, du fromage et des pâtisseries.

Complices.

Comme à chacune de nos escapades, ta voix me charmait. Tu inventais toujours de nouvelles histoires, et moi, assoiffé, je buvais tes mots.

Au fait de nos sens aux aguets, et cependant encore maîtres de nos émotions, nous goûtions cette passion inavouée. C’est du moins ce que je croyais jusqu’à ce que je débouche la seconde bouteille de Muscadet tout en contemplant ta bouche rougie par une poignée de cerises. Une bouffée de désir exacerba mes sens au-delà du raisonnable. Soudain désemparé, je tentai de fuir en regardant au loin, en quête d’un répit.

Devant nous, point de ligne d’horizon, juste une mer grise à perte de vue… Et puis… Mes yeux revinrent vers toi… fascinés par tes pupilles rieuses et enjôleuses pour ne plus s’en détacher.

La tête te tournait.

Je tentai de t’enlacer délicatement mais… mes mains voulurent se rassasier de ta peau, et ma bouche dévora tes lèvres ourlées qui appelaient mes baisers.

J’étais ivre de désir, fou de toi. Plus rien ne pouvait m’arrêter. Je goûtai au fruit défendu que j’avais cru offert sous ta robe légère. Je forçai ton corps à se donner en offrande au mien, souillant notre amour et cueillant ta virginité contre ta volonté.

Moi qui te vouais une adoration sans borne, je déversai mon envie égoïste au creux de ton ventre endolori, malgré tes gémissements plaintifs et les larmes inondant tes joues.

Adultes, nous étions soudain devenus. Amoureuse et émoustillée, tu n’étais plus. Sans un mot, tu m’abandonnas. Sans te retourner, la haine au cœur, tu quittas, pour toujours, l’île de notre enfance.

Depuis, été, automne, hiver ou printemps, pour moi, toutes les saisons sont mortes. Je demeure honteux. Jamais je ne pourrai effacer ce souvenir de ma mémoire.

 

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25 mai 2012 5 25 /05 /mai /2012 12:28

lamy

 

 

Le début de ma semaine a été ensoleillé grâce à une belle rencontre, à un voyage peu commun, au rythme des mots de Jean-Paul Lamy.

 

J’ai en effet dévoré (non, je n’exagère pas !) les nouvelles de son recueil Achaba. Le livre ayant reçu le prix du Breffroi, à Douai, en 2009, je partais donc confiante. Et puis, je connais un peu l’auteur et sa plume…  Mais j’ai été comblée au-delà de mes espérances. C’est simple, voilà quatre jours que j’ai refermé le bouquin et les personnages me hantent encore, le Maghreb me chante toujours ses histoires belles et cruelles, douces et amères au creux de l’oreille. Impossible aussi de me séparer des destins que j’ai croisés, de ces regards que j’ai imaginés, de ces gens « de rien » qui pourtant représentent tout là-bas, au pays, au bled.

 

Les narrations se déroulent dans l’Algérie post coloniale, aux frontières de la Tunisie ou ailleurs, mais toujours sous le soleil brûlant et le vent sifflant son ire. Jean-Paul Lamy aime son sujet, ces terres, cela se sent aux mots qu’il a choisis, aux phrases qu’il a si bien ciselées, comme s’il était l'ombre des héros auxquels il donne vie.

 

Alors, je ne peux que vous encourager à lire ce recueil, paru aux éditions du Douayeul, sous le titre magique de « ACHABA ». Ce trésor est devenu introuvable, même chez l'éditeur, mais l'auteur a encore en sa possession quelques exemplaires (10 euros l'unité, frais de port offerts) janpollamy@wanadoo.fr.
 Il serait dommage de manquer ce voyage de l’autre côté de la Méditerranée, de ne jamais connaître la troublante Djamila et l’homme de la nuit, la petite Kheira,  de ne pas découvrir les nomades du sud et les pêcheurs de mérou, de ne pas rencontrer Farid et ses blondes aux cheveux jaunes ou bien le courageux et naïf Lakhdar perdu dans un monde qui oscille entre passé et présent, entre science et religion.

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15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 15:54

(Voici un texte composé pour un jeu d'écriture proposé par le forum "maux d'auteurs". Les mots en gras étaient à glisser dans l'histoire. Le thème : une découverte qui change l'existence)

 

 

Depuis que son bien-aimé l’avait quittée, les larmes versées avaient asséché son corps harmonieux. Ses lèvres gourmandes demeuraient pincées, ses joues pâles et creuses. Ses hanches pleines qui attisaient naguère l’envie des maris et le fiel des épouses avaient perdu leur attrait. Sa démarche onduleuse s'était raidie. Ses pieds traînaient dans la poussière des chemins et heurtaient les cailloux.

 

En sa compagnie, elle s'était montrée plus servile qu'une esclave et il l'avait comblée comme aucun amant n’avait su le faire. Jamais elle n’avait détourné son regard vers d’autres tentations. Fidèle parmi les fidèles, l’impudique avait caché ses pensées impures aux indiscrets. Désormais, lui seul la contemplait nue, lui seul connaissait ses rêves, ses frayeurs enfantines et nocturnes.  

 

Bien des hommes avaient défilé dans sa couche, cependant il les avait tous effacés, sans même la toucher, en la caressant de ses douces paroles. Moins séduisant que d’autres prétendants, mais attentif, son rabbi la surprenait sans cesse. Doté du talent rare des orateurs, il la berçait de sa rhétorique. Pour lui, elle aurait tout donné, y compris sa vie.

 

 Malheureusement, son destin était autre. Un jour, des soldats l’avaient arrêté, puis mené devant un tribunal. Là, traité tel une fripouille, il avait été condamné à quitter ce monde afin de contenter une vox populi manipulée par la colère des prêtres.

 

Avant que le tombeau ne soit scellé, la tradition lui permettait de dire « adieu » au défunt. Les bras chargés d’aromates, de myrrhe et d’aloès, elle prit la route qui menait à sa dépouille.

 

Masquée par un léger voile de lin et par le nuage poussiéreux qui la suivait, à l'abri du regard de cette femme qui l'accompagnait, elle laissa son visage exprimer une colère mêlée de détresse. Ensuite, ses pensées divaguèrent vers des souvenirs heureux que personne ne pourrait jamais lui dérober. Ce fut là qu’elle puisa la force nécessaire pour accomplir sa mission.

 

À l'approche du lieu, dans ses yeux autrefois de braise, un feu follet s’embrasa. Elle accéléra le pas, mais trébucha sur quelques chicots entravant les abords de l’antre. En se redressant, elle scruta les alentours. Le corps avait disparu, pourtant tout indiquait sa présence récente. Son odeur hantait encore la grotte, des effets gisaient au sol. Elle se jeta sur le linceul, huma la sueur qui l'imprégnait et qui éveilla, un instant, son désir. Puis, une lueur d'inquiétude se mêla à l'espoir qui l'avait d'abord envahie. Sa compagne lui saisit la main. Elles unirent leur surprise, partagèrent leurs doutes, avant de se séparer sans avoir pu rendre un dernier hommage à l’aimé. La prophétie se réalisait-elle ?

 

Effrayée, elle entra dans le potager, courut à travers les rangées de salades jusqu’au jardin aux simples. Elle cria sa douleur sans retenue, loin des intrus. Alors qu'elle tombait en pâmoison, deux anges vinrent sécher ses larmes. Soudain, il lui apparut. Interdite, elle but ses révélations, l'adora et se prosterna à ses pieds tant de fois lavés.

 

Après son départ, la jeune femme partit annoncer la bonne nouvelle aux hommes et aux femmes qui, comme elle, se morfondaient.

 

C'est ainsi qu'en ce matin de la pâque, la catin fut récompensée de sa ferveur et devint celle que Yéchoua avait chargée d'annoncer la Résurrection. La légende de Marie de Magdala, la pécheresse faite sainte, l'apôtre des Apôtres, était née et sa vie changée pour l'éternité.  

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 11:20

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RESUME DU LIVRE : Dans la deuxième moitié des années 1970, une brillante étudiante en littérature cherche le moyen de se faire aimer de son professeur favori. Celui-ci vient de créer un atelier de poésie mais l'essentiel des écrits qu'il reçoit ne l'enthousiasme guère. Il décide alors de faire écrire un journal intime à ses élèves, confessions qu'ils doivent lire en classe et qui ne sont véritablement récompensées qu'à conditions d'être croustillantes...

 

 

MA CRITIQUE : J’ai enfin lu un « Joyce Carol Oates » et j’avoue qu’il m’a fallu  quelques pages pour entrer dans l’histoire et le style : tranchant, direct, efficace, qui frappe là où cela fait mal, qui vous happe sans vous lâcher, vous triture l’esprit et le ventre. Délicieuses Pourritures ne fait que 120 pages, mais quelle émotion ! Impossible de quitter le livre, pourtant très très très noir !!! Une plongée dans un collège américain de filles dans les années 1970, un enseignant de littérature et son épouse sculptrice qui jouent à des jeux dangereux, des jeunes filles qui se cherchent… Tous les ingrédients sont là et la descente aux enfers ne déçoit pas. J’ai refermé ce roman sans vraiment savoir si j’avais aimé ou pas tant il m’avait « travaillée ». Voilà deux jours qu’il a regagné son étagère, dans ma bibliothèque, pourtant je repense aux personnages, à l’écriture, sans cesse. Alors, ce qui est certain, c’est qu’il ne laisse pas tranquille ses lecteurs, même après l’avoir refermé. Une expérience étrange, forte, qui vous poursuit.  

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25 avril 2012 3 25 /04 /avril /2012 09:39

En ces temps où la météo nous déprime, où les cadors de la politique abusent de coups bas et bien j'avais envie de vous proposer le poème d'une écrivaine de talent que certains connaissent déjà, Nadia Leroux. Son palmarès lors des concours, ses succès en séances de dédicaces sont autant de preuves, s'il en fallait, de la qualité de sa plume et de sa sensibilité. Si on ajoute à cela sa gentillesse et ses coups de gueule toujours bien vus, vous avez là le portrait d'une auteure incontournable.

 

Requiem pour Gervaise est extrait d'Au féminin-plurielles. Dans ce récent recueil, il est question de femmes, de toutes les femmes ! Point de féminisme exagéré, juste l'envie d'en parler avec le coeur, de les mettre à l'honneur, sans s'imposer de barrières :

 

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Un requiem est un adieu 

Un signe

Un changement de monde

Des invités d'horreur en uniforme haut

Un fond d'absinthe au caniveau

Repasseuse d'académie

En vert, et contre tout

Pour des enfants sans nom

Des peaux imaginées

Nana

Des rêves en bracelets

Electroniques

Au crépuscule des cieux il y avait un

nom

Puis rien

Ce petit rien de différence ferait de toi

une fée

Requiem pour une vie perdue, si loin

Et pourtant...

 

 

 

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 17:37

Bayrd

 

J'ai fini ce roman historique il ya quelques jours et j'étais pressée de vous en parler. Il m'a emporté bien loin de notre siècle, en un temps où l'atmosphère empoisonnée des châteaux, l'honneur des chevaliers et gentes dames et les duels à l'épée nous faisaient frémir. J'ai retrouvé en ces pages le souffle épique des films de mon enfance grâce à une langue soignée, une mise en scène maîtrisée, un suspens bien dosé, surprenant et des personnages qui ne nous laissent pas indifférents. En plus, l'auteur, Eric Fouassier, est un homme charmant, passionné qui sait communiqué son goût pour l'écriture et la lecture. Il a longtemps écumé les concours de nouvelles et depuis six ans, ses romans et polars connaissent de beaux succès, mérités. "Mort thématique" a d'ailleurs remporté le prix Plume de glace, à Serre Chevalier en 2011. 

 

Quatrième de couverture : Avril 1498. La mort s'abat sur le royaume des lys, frappant à sa tête. En son château d'Amboise, le roi Charles VIII décède des suites d'une mauvaise chute. Tous à la Cour concluent à un funeste accident...Tous, sauf un quasi inconnu qui vient distinguer qui vient se dinstinguer à la bataille de Fornoue, lors de la première campagne d'Italie.

Pierre Terrail, seigneur de Bayard, n'est pas encore "le chevalier sans peur et sans repproche" mais âgé d'à peine vingt-deux-ans, il ne manque déjà pas d'audace. Convaincu que son souverain a été assassiné, bien que le corps de celui-ci n'est jamais été retrouvé dans une galerie où nul n'a pu pénétrer. Le jeune homme dispose de quelques jours seulement pour mener l'enquête et retrouver l'auteur de ce crime impossible.

Armé de la confiance du premier chambellan, Philippe de Commynes, et du soutien de la belle Héloïse Sanglar, Bayard engage alors une lutte contre le temps mais aussi contre des adversaires prêts à tout. Il doit notamment affronter un assassin redoutable, "le Défeurreur", aux ordres d'un mystérieux duc au pourpoint d'argent. Au terme de sa quête, il découvrira un incroyable secret susceptible de faire vaciller le royaume.

Trahisons, guet-apens, tortures, assassinats, envoûtements...tels sont les ingrédients de ce roman qui ressuscite cette fascinante période durant laquelle la France bascula du Moyen-Âge à la Renaissance.

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 14:23

Voici la modeste contribution envoyée au jeu d'écriture n°79 du site Maux d'Auteurs où il convenait " en quelque sorte" de rendre hommage à Rimbaud :

 

Nous nous perdîmes de vue le jour où chacun suivit son bataillon, direction Metz. Il emboîta les pas du maréchal Bazaine et moi, ceux du maréchal Mac Mahon. Nous étions tous les deux à portée des lignes de tir de Frédéric-Charles de Prusse, mais sans jamais nous croiser.

Sur les champs de bataille, je n’aperçus à aucun moment son chassepot, même lorsque nos troupes effectuèrent une jonction pour un ultime assaut du côté de Sedan. Une tentative désespérée après des heures de luttes sanglantes pour que,  finalement, l’état-major français s’avouât vaincu et autorisât les hommes à battre en retraite.

 Au cours de la journée, sous les balles ennemies, je n’eus guère le temps de penser à lui. J’avais ma peau à sauver et celle de mes adversaires à trouer. Cependant, s’il m’avait frôlé lors d’une percée ou d’une reculade, mon cœur aurait deviné sa présence, même furtive. Son odeur ne m’eût pas échappé malgré le soufre irritant nos muqueuses, la fumée des obus obscurcissant la vue ou la mort fauchant à tour de bras et emportant avec elle la raison des survivants.   

À présent, repliés à distance respectable des bases prussiennes, et après avoir ramassé nos blessés, abandonné nos morts, récupéré des armes et quelques munitions, nous avions enfin gagné le droit de nous reposer ou de nous divertir.

Malgré la cohue, persuadé qu’il errait aux alentours, je partis à sa recherche. Une fièvre irriguait mon corps rompu par la fatigue, réveillait mon désir.

 Je fis le tour de l’étang voisin où certains fantassins piquaient une tête, tandis que d’autres écrivaient à leur bien-aimée ou somnolaient à l’ombre d’un sapin. Les uniformes des différents bataillons se mêlaient sans discernement. Un besoin d’oubli se faisait impérieusement ressentir après les heures terribles que nous venions de partager.

Je passais d’un groupe à l’autre, aux aguets, interrogeant chacun, sans succès.

Après avoir longé l’orée d’un bois jouxtant notre jolie mare vert émeraude, las, je m’apprêtais à rebrousser chemin lorsque je rencontrai ce jeune rouquin aux yeux bleus et aux taches de son dissimulées sous une épaisse couche de crasse. Il me conseilla de suivre un sentier plus au sud débouchant sur un champ à l’écart des troupes au repos. Je suivis ses indications et découvris un trou de verdure baigné d’une douce lumière. Mes yeux émerveillés se promenèrent sur ce paisible val, dominé par une fière montagne, et bordé d’herbes folles mêlées aux haillons d’argent d’une rivière encore vierge du sang de nos soldats.

Soudain, je l’aperçus, au loin, étendu, la tête nue effleurée par un léger vent, la bouche ouverte. Ses pieds reposaient dans les glaïeuls et sa nuque dans le cresson bleu. Il dormait.

J’avançai à pas feutrés, les sens en éveil, le cœur battant la chamade, le sourire en bandoulière, et la main tendue prête à caresser sa peau. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. On n’est pas sérieux quand on est amoureux.

À mon approche, il ne bougea pas, n’esquiva pas le moindre geste. Pâle, tel un enfant malade, il faisait un somme tout en souriant à la vie, malgré le froid qui l’enveloppait. À travers les feuillages, les rayons du soleil l’irradiaient sans le réchauffer. Ses narines ne frémissaient pas sous les parfums offerts par la luxuriante nature qui le berçait doucement.

Il avait deux trous rouges au côté droit.

 

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21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 15:38

Un duo de plume vous offre ce joli texte, cette révolte toute en finesse et belles lettres, ces quelques mots qui jouent là de bons coups.Lisez, et vous comprendrez mieux ces lignes d'introduction :

 

Si je n'exécute pas ces ordres, d'autres seront donnés et là, c'est moi qui serai exécuté. Pourtant, tout m’interdit de céder. Tout va à l’encontre du bon sens, à l’encontre des règles. La tension est là, bien palpable, au plus noir comme un grand jour, à l’ombre des tours comme sur le grand échiquier de la vie qui nous malmène. Chacun de nous tous ne supporte plus ces ordres arbitraires, ces missions perdues d’avance. Ils m’ont choisi, désigné messager de la vox populi, triste héraut des temps anciens. Ma mission, me faufiler jusqu’au roi, à la reine peut-être, pénétrer dans cette cour qui pourrait tout aussi bien signer ma mort, et plaider notre cause de condamnés.
À peine sorti du rang, voilà que j’hésite, apeuré de quitter les miens, aveuglé par mon sort hasardeux. Je crois avoir reculé une fois, ou deux. Mauvaise tactique de diversion. Pauvre cavalier. Si seulement je trouvais l’un de mes compagnons d’armes, au moins aurais-je alors le cran de porter haut ma révolte, notre cri de rébellion. Mais point de salut, chaque pas est un coup vers la mort, me semble-t-il. Vaincre les ennemis, déjouer les stratégies les plus viles, et puis, alors, seulement, atteindre la dernière ligne.
Il se dresse enfin face à moi, haut perché, grand et triste sire dont le regard ne daigne même pas se poser sur moi. À ses côtés, la belle dame si pâle, ma reine, la tendre et délicate souveraine de mes jours. Qui suis-je pour oser poser mes yeux sur le plus infime éclat de ses atours ? Tous les mots mille fois pensés et répétés, tous ces cris de révolte hurlés par mes compagnons d’infortune, les voici enfermés dans ma tête, avortés aux portes de ma bouche. Comment leur faire ainsi entendre les maux du poltron héraut que je suis ? Las, je peine, me fatigue à l’effort et m’épuise.
La divine face d’ivoire semble se rire de moi. Fuir, lâchement battre en retraite m’effleure l’esprit lorsque soudain le roi, comme pour me retenir et prolonger cette partie fatale, avance vers moi. J’espère, crois plus que jamais à la bienveillance du monarque. N’aurais-je finalement pas traversé les lignes ennemies en vain ? Peut-être le discours sera-t-il plus aisé si mon cœur ne s’emporte pas, séduit par une trop belle figure.
C’est alors que je sens une force monstrueuse me heurter, un terrible coup qui m’abat sans vergogne ni retenue. Je m’affaisse sur le plateau.
Fous et cavaliers, tours fragiles et petits pions, tous vaincus.
La partie est finie. Echec et mat.

 

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18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 11:36

Je viens de recevoir une nouvelle "révolte" que je suis ravie de partager avec vous. Elle rappellera à plus d'un lecteur des souvenirs... Si si si, lisez, dégustez et souriez !

 

Annecy

Lundi après-midi. Après une journée d’école remplie de billes et stylos Bic, Benoît se change pour partir à l’aventure. Enfin, il est prêt, son vélo aussi. Le Père Noël est passé par là et, grâce à lui, il va enfin épater Amandine.

Mais tout d’abord, il doit s’entraîner pour espérer voler vers celle qui deviendra, il en est sûr, sa première fan. Son papa a tout réglé : la selle, les freins et le caméscope. Le chemin sur lequel Benoît va se hasarder est en pente douce. Ce sera facile, pas besoin de pédaler et aucune chance de prendre un retour de manivelle dans les mollets. Zou ! Comme sur la trottinette ! C’est parti !

Les roues n’ont pas encore achevé leur révolution que ses mains viennent écraser le gravier bien pointu. Son père a posé des pièges… Ses paumes se vident de leur sang... Il crie à la traitrise, il hurle à la mort ! Sa mère, l’infirmière en chef de la maison, le soigne grâce à un bisou magique et à de la beta qui dine. Vélo 1, Benoît 0.

Mardi. Billes et stylos ont peu attiré son attention, c’est à Amandine qu’il pense. Ganté jusqu’aux coudes et un flacon de béta qui dîne dans la poche, il saisit brusquement son vélo afin de lui montrer qui est le maître. Fier, il le regarde droit dans le guidon, et en passant, lui assène un coup de pied. Non deux.

Le caméscope est prêt pour le deuxième épisode. Le garçonnet observe à droite, puis à gauche, pas de gravier ni de caillou en vue. C’est parti : 2π, 4π et sa tête termine dans les hortensias. Il n’aime pas les fleurs et cette fois-ci, c’est sa maman la fautive ! Planter de telles horreurs sur une piste cyclable, c’est incontestablement volontaire. Digne, les cheveux en pétales, il se relève seul. Il recommencera demain après avoir coupé au sécateur ces immondes traquenards. Vélo 2, lui 0.

Mercredi. Benoît a réfléchi toute la nuit et en a déduit que seul le vélo était le responsable de ses chutes. Alors, même s'il est neuf, il va prendre une rouste. Le caméscope n’est pas encore prêt, Alexis en profite pour descendre au garage et prendre l’objet de torture qui sied au vélo : une pelle. Non, elle est trop lourde, la pioche conviendra parfaitement. Il arme difficilement son sceptre pour qu’enfin règne son autorité. Déséquilibré par l’objet contondant, Benoît tombe à la renverse les fesses dans les bidons d’huile. L’outil s’abat sur l’étagère où sont rangés les bocaux. Celle-ci vacille et s’écrase au sol. Zut, son père ! Vélo 3, lui 0. S'ils s'allient, il ne pourra rien faire.

Jeudi. Il doit réussir ! Après avoir englouti une part de platfoutis aux cerises, la spécialité ratée de son père, il saisit la machine à remonter l’étang et l’enfourche. Une fesse sur la selle, un pied sur une pédale fuyante et les mains crispées sur le traître guidon, l’équilibriste têtu se concentre et appuie… enfin. Malgré la poussière disséminée sur la route et les feuilles prêtes à le renverser, il effectue son premier vol cycliste. Le nombre de π effectués est impressionnant, le record est battu. Il aurait volontiers continué vers la gloire et les couettes amandines, mais le portail n’a pas voulu qu’il cueille les lauriers. Vélo 4, lui 0. Demain, il aura droit à son bisou.

Vendredi. Sa Daphné l’attend au square des moines, rebaptisé square Bernard Hinault, célèbre cycliste du temps des dinosaures. C’est à deux cents mètres de chez lui, et son parcours ne sera qu’allégresse sous ses yeux. La descente s’effectue sans incident majeur, le portail de quatre mètres de large est franchi avec une facilité déconcertante, il pédale avec une aisance nouvelle. Il la voit sourire, il est heureux, sa joue aussi ! Tout d’un coup, un malotru le dépasse tel un Richard Virenque survitaminé. C’est Marc, son copain de classe, sa sœur est jolie, mais c’est une grande et fait du karaté ! Il est dépassé si rapidement que le courant d’air l’envoie valser dans le fossé. Il se relève et voit son ennemi recevoir un énorme bisou de sa Pénélope. Il a encore perdu. Vélo 5, lui 0.

Samedi. Il ne peut pas terminer sur un 6-0 ! Question d’honneur. Cela ressemblerait à du tennis.

Benoît pratique la danse du vélo tel un Indien autour du totem et invoque tous les saints connus. Saint Armstrong, Saint Jalabert et Saint Mercx, le Saint des Saints. Le vélo à la main, l’apprenti cycliste se dirige vers un canal du quartier historique. Annecy ressemble à Amsterdam, enfin du haut de ses sept ans, c’est ce qu’il croit. Plouf ! Il jette son tas de ferraille dans l’eau. C’est de cette manière qu’ils procèdent en Hollande. Victoire du petit Lenoir par abandon.

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  • : Le blog de ptit lu
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DEDICACES

- 2 juin 2013 à La Pierre (38)

- 7 juillet 2013 à St Pancrasse (38)

- 18 août 2013 à Allevard (38)

- 13 octobre 2013 à La Buissières (38)

 

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