Je viens de recevoir une nouvelle "révolte" que je suis ravie de partager avec vous. Elle rappellera à plus d'un
lecteur des souvenirs... Si si si, lisez, dégustez et souriez !
Annecy
Lundi après-midi. Après une journée d’école remplie de billes et stylos Bic, Benoît se change pour partir à
l’aventure. Enfin, il est prêt, son vélo aussi. Le Père Noël est passé par là et, grâce à lui, il va enfin épater Amandine.
Mais tout d’abord, il doit s’entraîner pour espérer voler vers celle qui deviendra, il en est sûr, sa première fan. Son
papa a tout réglé : la selle, les freins et le caméscope. Le chemin sur lequel Benoît va se hasarder est en pente douce. Ce sera facile, pas besoin de pédaler et aucune chance de prendre un
retour de manivelle dans les mollets. Zou ! Comme sur la trottinette ! C’est parti !
Les roues n’ont pas encore achevé leur révolution que ses mains viennent écraser le gravier bien pointu. Son père a posé
des pièges… Ses paumes se vident de leur sang... Il crie à la traitrise, il hurle à la mort ! Sa mère, l’infirmière en chef de la maison, le soigne grâce à un bisou magique et à de la beta
qui dine. Vélo 1, Benoît 0.
Mardi. Billes et stylos ont peu attiré son attention, c’est à Amandine qu’il pense. Ganté jusqu’aux coudes et un flacon de
béta qui dîne dans la poche, il saisit brusquement son vélo afin de lui montrer qui est le maître. Fier, il le regarde droit dans le guidon, et en passant, lui assène un coup de pied.
Non deux.
Le caméscope est prêt pour le deuxième épisode. Le garçonnet observe à droite, puis à gauche, pas de gravier ni de caillou
en vue. C’est parti : 2π, 4π et sa tête termine dans les hortensias. Il n’aime pas les fleurs et cette fois-ci, c’est sa maman la fautive ! Planter de telles horreurs sur une piste cyclable,
c’est incontestablement volontaire. Digne, les cheveux en pétales, il se relève seul. Il recommencera demain après avoir coupé au sécateur ces immondes traquenards. Vélo 2, lui 0.
Mercredi. Benoît a réfléchi toute la nuit et en a déduit que seul le vélo était le responsable de ses chutes. Alors,
même s'il est neuf, il va prendre une rouste. Le caméscope n’est pas encore prêt, Alexis en profite pour descendre au garage et prendre l’objet de torture qui sied au vélo : une pelle. Non, elle
est trop lourde, la pioche conviendra parfaitement. Il arme difficilement son sceptre pour qu’enfin règne son autorité. Déséquilibré par l’objet contondant, Benoît tombe à la renverse les
fesses dans les bidons d’huile. L’outil s’abat sur l’étagère où sont rangés les bocaux. Celle-ci vacille et s’écrase au sol. Zut, son père ! Vélo 3, lui 0. S'ils s'allient, il ne pourra rien
faire.
Jeudi. Il doit réussir ! Après avoir englouti une part de platfoutis aux cerises, la spécialité ratée de
son père, il saisit la machine à remonter l’étang et l’enfourche. Une fesse sur la selle, un pied sur une pédale fuyante et les mains crispées sur le traître guidon, l’équilibriste têtu
se concentre et appuie… enfin. Malgré la poussière disséminée sur la route et les feuilles prêtes à le renverser, il effectue son premier vol cycliste. Le nombre de π effectués est
impressionnant, le record est battu. Il aurait volontiers continué vers la gloire et les couettes amandines, mais le portail n’a pas voulu qu’il cueille les lauriers. Vélo 4, lui 0. Demain, il
aura droit à son bisou.
Vendredi. Sa Daphné l’attend au square des moines, rebaptisé square Bernard Hinault, célèbre cycliste du temps des
dinosaures. C’est à deux cents mètres de chez lui, et son parcours ne sera qu’allégresse sous ses yeux. La descente s’effectue sans incident majeur, le portail de quatre mètres de large est
franchi avec une facilité déconcertante, il pédale avec une aisance nouvelle. Il la voit sourire, il est heureux, sa joue aussi ! Tout d’un coup, un malotru le dépasse tel un Richard Virenque
survitaminé. C’est Marc, son copain de classe, sa sœur est jolie, mais c’est une grande et fait du karaté ! Il est dépassé si rapidement que le courant d’air l’envoie valser dans le fossé.
Il se relève et voit son ennemi recevoir un énorme bisou de sa Pénélope. Il a encore perdu. Vélo 5, lui 0.
Samedi. Il ne peut pas terminer sur un 6-0 ! Question d’honneur. Cela ressemblerait à du tennis.
Benoît pratique la danse du vélo tel un Indien autour du totem et invoque tous les saints connus. Saint Armstrong,
Saint Jalabert et Saint Mercx, le Saint des Saints. Le vélo à la main, l’apprenti cycliste se dirige vers un canal du quartier historique. Annecy ressemble à Amsterdam, enfin du haut de ses sept
ans, c’est ce qu’il croit. Plouf ! Il jette son tas de ferraille dans l’eau. C’est de cette manière qu’ils procèdent en Hollande. Victoire du petit Lenoir par abandon.