Vous l'aurez compris, Sousmarin est le pseudo de notre auteur d'aujourd'hui à l'imagination débordante et je vous invite avec plaisir à partager cette révolution fomentée par les tomates : une expérience originale et unique que j'ai bien appréciée ! Un texte qui n'est pas dénué d'une pointe d'humour et terriblement décalé. Voilà de quoi bien commencer la semaine !
Dans la ferme, le silence règne.
Les hommes et les animaux sont tous silencieux devant l’énormité de la nouvelle : la révolution des
légumes a commencé.
Entraînés par la fougue et la vivacité des tomates, les légumes, amenant toutes les plantes avec eux, sauf
les fleurs qui ne voulaient pas voir leur beauté faner, se sont mis en tête de diriger de monde et, pour se faire, emploient le seul moyen à leur disposition : le chantage. En effet, en l’absence
de pourparlers immédiats, ils refusent tout bonnement toute pénétration d’eau en leur sein !
Dans un premier temps, les fermiers rigolèrent et les vaches beuglèrent, mais lorsque le maïs sécha sur
pieds et que l’herbe jaunit, les rires prirent la même teinte… On tenta l’impossible, mais même en immergeant les légumes dans l’eau, celle-ci ne pénétrait pas ; l’affaire fut donc confiée aux
scientifiques.
De nombreuses hypothèses furent avancées… pour les uns, il y avait manipulation génétique des légumes,
pour les autres ces derniers avaient passé une alliance avec l’eau qui, elle seule, avait la capacité à se modifier en profondeur, pour d’autres encore, cela ne pouvait être que le réchauffement
planétaire le responsable et les légumes n’étaient que des simulateurs et des profiteurs.
Après un mois de vifs débats et l’installation de la famine, la stérilité des solutions poussa sur le
devant de la scène les militaires qui furent d’avis de brûler les renégats et de planter des légumes plus dociles. La première phase de l’opération fut un succès total et les militaires se
pavanèrent, mais quand on passa au replantage et que pas un légume ne poussa, les militaires firent un rapport de 350 pages en 3 exemplaires disant, en substance, que cette conclusion était
imprévisible…
Les politiques, acculés, prirent une décision : la création immédiate d’une commission d’experts ;
satisfaits, ils allèrent déjeuner la conscience tranquille.
Quelque 200 repas plus tard, repus, les spécialistes furent d’avis que la situation était anormale et
méritait une étude approfondie. À ce moment là, bien entendu, plus aucun légume n’était visible sur terre, ils attendaient souterrainement…
Certains politiques virent alors une occasion de prendre le pouvoir en fournissant au peuple affamé un
bouc émissaire : les fleurs ; les légumes c’est tellement bon et les fleurs c’est périssable...
Les fleurs avaient perverti les légumes et devaient toutes, sans exception, être exterminées.
Les campagnes se mirent à ressembler à des territoires lunaires.
Un ministère aux affaires florales fut créé, et des lois interdirent les fleurs en tout lieu et en toutes
circonstances ; ces lois furent sévèrement appliquées par une milice.
Les fleurs en voie d’extinction, les légumes ne devinrent pas plus réceptifs à l’eau pour autant… les
politiques, se rappelant alors le goût du jus de tomates, se vendirent aux légumes pour une soupe.
Toutes leurs exigences furent acceptées, y compris la fourniture d’esclaves humains.
Les politiques, la larme à l’œil, jurèrent leurs grands dieux que l’on ne pouvait pas faire autrement… que
c’était la mondialisation la responsable… que ceux qui sacrifiaient leurs enfants étaient des héros, mais peu d’entre eux le fit ; à part ceux qui voulaient se débarrasser des leurs bien
sûr…
Ce matin là, dans le silence criant, les futurs esclaves marchent vers leurs destins.
Les tomates, arguant de leurs rôles prépondérants dans la révolution, avaient pris les postes directoriaux
; il y eut même une guerre civile entre les plus rondes, les plus juteuses, les plus rouges ou les plus grosses pour décider des qualités prépondérantes – qualités bizarrement basées sur des
critères humains –, mais, pendant un temps, ce fut purée de tomates à foison !
La guerre avait pris fin, à la grande désolation des humains, et les esclaves avancent maintenant entre
deux rangées de tomates d’élite. C’est alors que l’un d’entre eux secoue la tête et dit « Non ! » en se mettant à piétiner les grosses tomates rouges et juteuses sous les yeux ébahis de ses
compatriotes… La résistance naquit ce jour malgré la mort rapide de son précurseur qui, étouffé de jus, en devint rouge tomate…