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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 12:54

Vous l'aurez compris, Sousmarin est le pseudo de notre auteur d'aujourd'hui à l'imagination débordante et je vous invite avec plaisir à partager cette révolution fomentée par les tomates : une expérience originale et unique que j'ai bien appréciée ! Un texte qui n'est pas dénué d'une pointe d'humour et terriblement décalé. Voilà de quoi bien commencer la semaine !

 

 

Dans la ferme, le silence règne.
Les hommes et les animaux sont tous silencieux devant l’énormité de la nouvelle : la révolution des légumes a commencé.
Entraînés par la fougue et la vivacité des tomates, les légumes, amenant toutes les plantes avec eux, sauf les fleurs qui ne voulaient pas voir leur beauté faner, se sont mis en tête de diriger de monde et, pour se faire, emploient le seul moyen à leur disposition : le chantage. En effet, en l’absence de pourparlers immédiats, ils refusent tout bonnement toute pénétration d’eau en leur sein !

Dans un premier temps, les fermiers rigolèrent et les vaches beuglèrent, mais lorsque le maïs sécha sur pieds et que l’herbe jaunit, les rires prirent la même teinte… On tenta l’impossible, mais même en immergeant les légumes dans l’eau, celle-ci ne pénétrait pas ; l’affaire fut donc confiée aux scientifiques.
De nombreuses hypothèses furent avancées… pour les uns, il y avait manipulation génétique des légumes, pour les autres ces derniers avaient passé une alliance avec l’eau qui, elle seule, avait la capacité à se modifier en profondeur, pour d’autres encore, cela ne pouvait être que le réchauffement planétaire le responsable et les légumes n’étaient que des simulateurs et des profiteurs.

Après un mois de vifs débats et l’installation de la famine, la stérilité des solutions poussa sur le devant de la scène les militaires qui furent d’avis de brûler les renégats et de planter des légumes plus dociles. La première phase de l’opération fut un succès total et les militaires se pavanèrent, mais quand on passa au replantage et que pas un légume ne poussa, les militaires firent un rapport de 350 pages en 3 exemplaires disant, en substance, que cette conclusion était imprévisible…
Les politiques, acculés, prirent une décision : la création immédiate d’une commission d’experts ; satisfaits, ils allèrent déjeuner la conscience tranquille.
Quelque 200 repas plus tard, repus, les spécialistes furent d’avis que la situation était anormale et méritait une étude approfondie. À ce moment là, bien entendu, plus aucun légume n’était visible sur terre, ils attendaient souterrainement…

Certains politiques virent alors une occasion de prendre le pouvoir en fournissant au peuple affamé un bouc émissaire : les fleurs ; les légumes c’est tellement bon et les fleurs c’est périssable...
Les fleurs avaient perverti les légumes et devaient toutes, sans exception, être exterminées.
Les campagnes se mirent à ressembler à des territoires lunaires.
Un ministère aux affaires florales fut créé, et des lois interdirent les fleurs en tout lieu et en toutes circonstances ; ces lois furent sévèrement appliquées par une milice.
Les fleurs en voie d’extinction, les légumes ne devinrent pas plus réceptifs à l’eau pour autant… les politiques, se rappelant alors le goût du jus de tomates, se vendirent aux légumes pour une soupe.

Toutes leurs exigences furent acceptées, y compris la fourniture d’esclaves humains.
Les politiques, la larme à l’œil, jurèrent leurs grands dieux que l’on ne pouvait pas faire autrement… que c’était la mondialisation la responsable… que ceux qui sacrifiaient leurs enfants étaient des héros, mais peu d’entre eux le fit ; à part ceux qui voulaient se débarrasser des leurs bien sûr…
Ce matin là, dans le silence criant, les futurs esclaves marchent vers leurs destins.
Les tomates, arguant de leurs rôles prépondérants dans la révolution, avaient pris les postes directoriaux ; il y eut même une guerre civile entre les plus rondes, les plus juteuses, les plus rouges ou les plus grosses pour décider des qualités prépondérantes – qualités bizarrement basées sur des critères humains –, mais, pendant un temps, ce fut purée de tomates à foison !

La guerre avait pris fin, à la grande désolation des humains, et les esclaves avancent maintenant entre deux rangées de tomates d’élite. C’est alors que l’un d’entre eux secoue la tête et dit « Non ! » en se mettant à piétiner les grosses tomates rouges et juteuses sous les yeux ébahis de ses compatriotes… La résistance naquit ce jour malgré la mort rapide de son précurseur qui, étouffé de jus, en devint rouge tomate…

 


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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 11:02

C'est au tour de Pollux de nous faire rire avec sa prose déjantée et ce ton caustique qui nous plaît tant ! 

 

 

 

 

- Vraiment, M'sieur le Commissaire, je sais pas trop quoi vous dire.

Je me rappelle pas tous les détails, vous savez, quand on est une pauvre vieille comme moi à s'occuper de la maison, des chats et du jardin, pas aidée par l'homme que j'ai, vous verriez ça, c'est moi que vous plaindriez, tiens ...

C'est vrai qu'il est bien amoché. Ça, je l'ai pas raté. Mais aussi, il l'a bien cherché, non ?

Vous ne comprenez pas ? Comment c'est arrivé ? Bah, une banale dispute entre mari et femme, ne me faites pas croire que vous ne connaissez pas ... Pas la question ? Bon, si vous voulez ... Que je vous raconte ? Il ne l'a pas déjà fait ? Ah c'est vrai, mâchoire fracturée, il ne peut plus parler ... Hmmpf ... Excusez, Commissaire, c'est nerveux ... Non, rien, je pensais juste que je vais avoir la paix quelques semaines, moi ... Oh, ça va, vous n'avez pas d'humour, Commissaire, ou quoi ?

 

D'accord, d'accord, je me tais.

 

Que je raconte ? Ben vous alors, faudrait savoir. Holala, quelle nervosité ! Bien tous pareils, les hommes, allez …  Comment ? Insulte à agent ? Oh,   Commissaire, comme vous y allez ...

 

Bon, on en était où, déjà … Comment ? Des poursuites ? Une ... ? Une plainte ? Il veut déposer une plainte ? Pfff ... Vous savez quoi, M'sieur le Commissaire ? Il a jamais été capable de faire la moindre démarche ... Toute la paperasse, c'est moi qui m'en suis toujours occupée. Lui ? Pensez-vous ! Tout juste bon à aller faire son tiercé et taper le carton avec les copains au café. Quoi ? Les voisins disent que c'est faux ? Qu'il s'occupait du repassage ? La belle affaire ... Oui, il repassait deux ou trois bricoles, c'est vrai, mais ça ne lui prenait guère de temps, allez ... Le ménage ? Que voulez-vous, c'est un maniaque, le bougre, allez le dissuader de briquer partout, vous m'en direz des nouvelles ... Les courses ? Ah, mais parlons-en, des courses ! Un incapable ! Pas une fois il ne me ramenait ma liste sans un oubli ou une erreur. A croire qu'il le faisait exprès ! D'ailleurs, vous savez quoi, M'sieur le Commissaire, puisque vous m'en parlez, des courses, eh bien figurez-vous que c'est à cause de ça que ça a mal tourné, tout ça ... Mais oui, bien sûr, c'était de sa faute ! Ça fait une heure que je vous le dis ! Vous croyez que je l'aurais frappé comme ça, sans raison ? Allons, je suis une honnête femme, vous savez ! Seulement, moi, j'suis comme ça, faut pas m'énerver. Vous auriez fait quoi, vous à ma place ? Comment, vous ne savez pas ? Je vais vous le dire, moi : vous seriez sorti de vos gonds ! Parfaitement ! Parce que, croyez-moi, quand vous vivez depuis quarante-cinq ans avec un bonhomme flemmard, traînard, et incapable de faire trois commissions, qui vous met les nerfs en pelote dix fois par jour, que rien qu'à le regarder vous ne le supportez plus, et que vous le voyez rentrer du Coop la gueule enfarinée, avec un sourire niais en vous annonçant "Pour ta glace, y'avait plus caramel, alors j'ai pris chocolat" ... sérieusement, Commissaire, Vous pensez que vous, vous auriez gardé votre calme ?

 

Si ça, c'était pas seulement pour me mettre en boule ?? Allons : il le sait bien, que j'ai pas droit au chocolat !

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 14:38

Je suis contente de mettre en ligne ce texte court d'EmmaBovary et de vous présenter sa plume acérée, son humour grinçant et son style qui me séduit toujours autant, même lorsqu'elle explore les aspects les plus noirs de la vie, même lorsque ses mots me gifflent. Merci pour ce cadeau, EmmaB !  

 

 

 

Retire les mains de tes poches ! Arrête de gigoter ! NE touche PAS ! On a dit quoi, tout à l’heure ? On re-gar-de avec les yeux… Ne reste pas dans mes pattes, tu me gênes ! Ne va pas là, je ne te vois plus. Tiens-moi ça ! Tu préfères quelle couleur ? Alors… C’est pas vrai ! Bon, on prend la rose ! Mais enlève les mains des poches de ton pantalon, tu vas les déformer ! Allez, on prend ça aussi ! Bleu clair, tu aimes bien le bleu clair d’habitude ? Ne joue pas avec la porte, ça embête la dame ! Quand tu auras les doigts coincés dedans, tu ne viendras pas pleurer, hein ! Mais ne te gratte pas le nez comme ça, tu vas avoir des narines immenses ! Tu as un si joli petit nez… Ne cours pas, tu vas tomber ! Marion, donne-moi la main pour traverser. Non, on ne s’arrête pas au manège. Pas question ! Maman ne travaille pas pour que Mademoiselle fasse des tours de manège toute la journée !

Tu peux jouer avec les autres mais ne vas pas trop loin. Ne cours pas, tu vas faire tomber quelqu’un ! Reste ici ! Dis, tu veux que je t’aide à grimper dans les arbres ? Viens boire ton jus d’orange. Mais qu’est-ce que tu as fait pour avoir les mains aussi sales ? Quoi les fourmis ? Ben oui, il y a des fourmis, le parc c’est comme la nature, elles ont le droit de vivre ! Va jouer ! Ne pousse pas ton camarade ! Attention à ta robe neuve ! Et ne met pas les mains dans tes poches, tu vas abîmer les jolies broderies ! Marion, j’ai entendu… On ne dit pas « Je m’en fous ! », c’est impoli. Et c’est très vilain dans la bouche d’une petite fille.

Finis ton assiette ! Tu ne vas pas encore chipoter ! Bois un peu d’eau. Ne t’affale pas comme ça… Ramasse ta serviette ! Et arrête de taper du pied contre la chaise, c’est pénible ! Tu as été sage à l’école ? Est-ce que Papa t’as fait faire ta lecture ? En entier. Bon… Pardon ? Non, tu n’iras pas voir le match de foot avec ton père. C’est pour les garçons. Tu vas bientôt aller au lit de toute façon. Non, neuf heures, c’est trop tard ! Je me fiche qu’il n’y ait pas école, j’ai du repassage. Non, Marion, pas de foot ! Même cinq minutes. Il n’en est pas question !

-          Maman ?

-          Quoi ?

-          Merde.

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23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 17:07

saumont

 

 

 

J'ai enfin lu un recueil d'Annie Saumont ! Pourquoi ? Parce que j’ai entendu tant de bien sur l’auteure, son œuvre et puis pour une fois qu’une véritable nouvelliste rencontre le succès ! Tout de même ! Ne la boudons pas ! Alors, me direz-vous ? Et bien, j’avoue être un peu déçue… J’en suis presque gênée… Elle écrit très bien, se lit aisément, mais certains textes m’ont « laissée sur le bord de la route ». J’avais très envie de lire ce livre, peut-être trop. La première nouvelle, « dédicace », m’a ravie. Et pourtant, j’ai peu à peu décroché, même si quelques histoires m’ont tenu la tête hors de l’eau jusqu’à ce que j’atteigne l’autre rivage, celui de la dernière page. Toujours à l’écoute, en éveil. D’ailleurs,  j’ai beaucoup apprécié le culot de la dernière tranche de vie servie par cette grande dame.


Ce livre rassemble 18 histoires d’âmes errantes, de petites lâchetés, de rêves brisés qui méritent le détour ne serait-ce que pour découvrir cette plume un peu particulière.


Mais je retenterai ma chance, je donnerai un autre rendez-vous à Annie Saumont, promis.  

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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 10:48

Les révoltes se suivent sans se ressembler. Aujourd'hui, C'est Khéops qui donne le ton. Elle nous dévoile un style amusant, une histoire cocasse, mais ne vous y fiez pas trop, sous cette plume se cachent des crocs acérés !

 

 

 

—Sors de là immédiatement !
L’ordre était absurde ! Dans la salle, « Les yeux revolver » susurraient en sourdine. Marc Lavoine aurait pu le fredonner en boucle que personne n’y aurait fait attention. Pourtant, la vétérinaire avait vraiment à cet instant, le regard qui tue. Depuis vingt minutes elle essayait de faire sortir Socrate de son refuge sans y parvenir. Le petit félin crachait et griffait dès qu’elle approchait la main et la peau de ses phalanges en avait fait les frais. Des filets de sang lui zébraient les doigts. J’avais fait moi aussi une tentative infructueuse et mon épiderme douloureux n’avait pas envie de recommencer l’expérience. Socrate n’avait même pas la reconnaissance du ventre !
—Bon, on ne va pas y passer la journée, j’ai d’autres patients, moi !
La toubib très agacée et moi plutôt gênée face à la mauvaise volonté de Socrate, je ne savais que répondre. Pour détendre l’atmosphère, je tentai de plaisanter :
—C’est un petit mâle, que voulez-vous ! Sûrement un trop-plein de testostérone…
Les deux poignards – et pas de Cupidon – qui servaient d’yeux à la véto me firent ravaler bien vite ma blague douteuse.
—Je vous rappelle que Socrate est castré ! me répondit-elle d’un ton glacial.
Il n’y avait donc aucune solution. Mon félin adoré, d’ordinaire si gentil avait décidé de nous en faire baver. Sa philosophie du moment était « Je ne me connais plus ». Tapi au fond de sa valisette de transport, le poil hérissé et la moustache batailleuse, il nous opposait la farouche revendication de son autonomie.
Soudain, la vétérinaire eut une idée.
—Refermez la grille, s’il vous plait. Je vais ouvrir la trappe du haut et essayer de le prendre par la peau du cou.
Sur un plateau métallique, le vaccin attendait son heure. La toubib plongea sa main désormais gantée et attrapa l’animal. Puis de l’autre main elle se saisit de la seringue. Mais Socrate ne l’entendait pas de cette oreille. Un miaulement affreux, aigu, rageur nous vrilla les tympans. La vétérinaire réussit à lui planter l’aiguille dans le gras du dos mais alors qu’elle s’apprêtait à lui injecter le produit, le chaton donna un violent coup de reins et se dégagea de son emprise. En digne descendant des grands fauves, il bondit de la table d’auscultation et traversa la pièce d’une traite pour se réfugier derrière un meuble. Mais il se ravisa, et comme un boomerang, revint tout aussi vite à son point de départ, au fond de son antre, la seringue toujours plantée dans la nuque. Alors, la toubib, avec un cri de triomphe un brin sadique, enfonça le piston. Un pauvre miaulis de détresse retentit du fond de la boite, comme un sanglot. Le fauve était terrassé, la domptrice exultait.
—J’y suis arrivée !
Et moi je regardais mon petit bout de chat d’à peine huit mois, vaincu, mais après une lutte digne du roi des animaux !

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 15:09

Je suis vraiment contente que Danielle AKAKPO inaugure ce nouvel appel à textes (dont le thème est "révolte") parce que non seulement je l'apprécie en tant qu'auteure et amie, mais en plus j'adore sa plume grinçante qui convient si bien à ce texte :

 

 

 

Les ingrats, les voyous ! J’en bégaie, je ne trouve pas de mots assez forts pour les vilipender ! C’est Elsa, ma bru, qui mène la danse, et mon pauvre imbécile de fils va dire amen comme toujours ! La rage m’a fait bondir de mon fauteuil comme un diable en dépit de mes vieux os, dès qu’ils ont eu quitté la maison ! Ils vont voir de quel bois je me chauffe. Un coup de canne dans la photo de mariage de Marc et Elsa, en mille morceaux le cadre, le verre, non mais…! Et ce n’est qu’un début.
 Elle me croit sourd, la garce, mais j’ai bien entendu sa voix de perroquet enroué.
— C’est un ultimatum, Marc, je suis à bout ! Il m’use, le vieux. Il ne cesse de gaspiller la nourriture. Et tous ces médicaments… sa chambre est une vraie pharmacie. Cerise sur le gâteau, il sent mauvais maintenant. N’est-ce pas Titi ? (Le chiard a gloussé que Papy sentait la pisse !) C’est dégoûtant ! On va de suite réserver cette place aux Acacias.

Je suis en ébullition. Je gaspille la nourriture ? Si la feignasse consentait à la hacher, comme l’a demandé le médecin, je mangerais de meilleur appétit. Mes médicaments dérangent madame ? Qu’à cela ne tienne, je vide les boîtes sur la moquette et je piétine consciencieusement. Cha cha cha, comme à vingt ans ! Avec mes chaussures, c’est encore mieux ! Un an que je ne les ai pas portées parce qu’on ne me sort jamais et que tout seul je n’ai pas le droit. Au hachis de cachets, j’ajoute une flaque de sirops. Tu nettoieras cette boutasse immonde, mégère ! D’abord qui l’a payée cette moquette ? Le vieux. Il paie tout ici ! Les gredins ! Ils vont voir ! Je cours jusqu’à la chambre de Titi. Envolée ma fatigue, même plus besoin de canne ! J’ai pris au passage la hache dans le cellier. Et vlan dans l’ordinateur, vlan dans le robot, dans le circuit de voitures. Les cadeaux de Papy qui sent la pisse, petit salaud ! Elle est belle ta chambre, on se croirait dans une décharge publique.
Je tremble de fureur et de joie destructrice. Les robes d’Elsa, c’est la pension du vieux dégoûtant qui les paie aussi. Je n’ai jamais eu autant de plaisir à manier les ciseaux. Mes doigts bosselés par l’arthrose taillent allègrement dans les tissus comme dans du papier de soie !
Ça cogne dans ma tête, mon cœur bat à cent à l’heure. Marie, ce que tu dois avoir mal si tu vois de là-haut comment ils me traitent, ces fumiers ! Marie ! Penser à elle décuple ma rage. Je rugis dans l’escalier, même s’il n’y a personne pour entendre.
—Elle est à moi cette baraque, même si comme un vieux con que je suis, je vous l’ai donnée en échange de vos bons soins. Vous n’avez pas le droit de me foutre dehors comme un chien ! Au fait, il ne pue pas le cabot que vous avez ramené de la SPA ? Je n’irai pas dans votre mouroir, plutôt crever sur un trottoir.
Et puis merde, vous ne l’aurez pas ma maison. Fallait pas laisser traîner les allumettes, Elsa !

Une heure plus tard, les pompiers tentent vainement de sauver ce qui reste de la maison des Fournier. Elsa, Henri, Titi en pleurs se demandent où ils vont passer la nuit. On n’a pas trouvé Papy dans les décombres, juste le chien. Ça ne les inquiète pas plus que ça.
Papy a marché jusqu’à la rivière. Épuisé, il s’est allongé dans l’herbe, a fermé les yeux et s’en est allé rejoindre Marie, apaisé, un sourire aux lèvres.

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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 10:05

La co-écriture donne parfois naissance à des délires féconds d'où émergent des textes originaux, ce fut le cas de celui-ci, signé avec Beñat Laneguine (connu aussi sous le pseudo de Canardo) : 

 

La porte s’ouvre, le président de la cour et ses  assesseurs se positionnent devant leur chaise. Les autres aussi sont debout, même le prévenu, un habitué des lieux. Une fois le rituel de présentation accompli, s’ensuivent pendant de longues heures les témoignages boiteux, les interrogatoires douteux. L’accusé donne peu de voix. Il se considère comme innocent alors… Après lui, le déluge. D’ailleurs il refuse de répondre aux questions qui lui sont soumises. Ses pensées le conduisent vers Noé qu’il aurait dû suivre, au lieu de retourner sur le lieu du crime. Aujourd’hui, il voguerait tranquillement loin d’ici. Mais il n’avouera ce regret à personne, pas même à Lamech, assis au fond de la salle et dont le regard absent pèse sur ses épaules.
Il se moque de tout ce cirque, il devine trop bien le dénouement de l’histoire. Et puis, ce n’est pas son premier séjour à l’ombre. Sans conviction, le président essaie de lui faire la morale, son rôle est de juger, mais aussi d’expliquer.
S’ensuit le réquisitoire du procureur général. Enfin, dans un silence glacial, celui-ci réclame la réclusion à perpétuité. Sa voix tonne, résonne et impressionne. Le public venu nombreux se recroqueville sur lui-même sans quitter des yeux l'homme encadré par les cognes. C’est lui qui les passionne le plus, c’est lui qu’ils sont venus voir. Comme eux, le jury est troublé et captivé par cette légende vivante qui demeure inébranlable et impose à tous le respect. Son aura est perceptible. Il leur fait peur et pourtant une forme d’admiration se lit dans leurs regards.
L’heure des délibérations est venue. Dans les coulisses, le débat s’éternise. Dans la salle d’audience, les gens s'impatientent. Lui, il attend. Il sait que ce jugement ne sera pas le dernier.
La décision est enfin prise. Un léger brouhaha anime le palais. Chacun reprend sa place dans la sinistre pièce. La justice va être rendue.
Après s’être éclairci la voix, le juge prononce enfin la sentence : c’est un multirécidiviste, il est donc condamné à une peine de sûreté de cent cinquante ans de prison. L’ancien n’en a cure, il ressortira. Milieu ou gendarmes, tous le craignent. C’est lui le patron, le patriarche. Mathusalem a tout son temps…

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 10:50

lunaAvec « l’Elfe de lune » d’Élodie Tirel (éditions Michel Quintin), nous faisons cette fois-ci une incursion dans la littérature jeunesse et la fantaisy, avec une série (9 tomes à ma connaissance) que ma fille de 10 ans et moi-même adorons ! Nous avons découvert Luna, l’héroïne, et son auteure malouine, Élodie Tirel, l’année dernière aux détours du Festival « Rue des livres » (Rennes). La romancière est adorable et a un talent fou ! Comme elle est ingénieuse, elle a pensé, par exemple, à glisser une liste des personnages et un glossaire à la fin de chaque volume pour que les lecteurs puissent toujours se retrouver dans les méandres de son histoire et mieux connaître les êtres qui peuplent son univers (elfes, fées, urbans..). Ainsi, même les novices (comme moi) prennent immédiatement du plaisir à suivre la lutte dans laquelle s’affrontent les elfes dorés, les elfes argentés et elfes noirs. Ces derniers peuplent le monde sous terrain depuis leur dernière défaite. L’histoire sait nous surprendre, nous emmener loin de notre quotidien vers des contrées imaginaires et pourtant si humaines… Je ne suis pas une aficionados du genre, cependant j’adore plonger au cœur des aventures de Luna, cette elfe argentée élevée par des loups qui part à la recherche de sa véritable famille après la mort de sa mère louve. Elle découvrira très vite que rien n’est jamais complètement noir ou complètement blanc et fera des rencontres surprenantes, visitera le monde de Drows (elfes noirs)par exemple bien différent du sien, beaucoup plus noir où les enfants sont offerts en offrande à une déesse-araignée géante et où les prisonniers s’affrontent dans des combats de gladiateurs impressionnants. Il lui faudra donc affronter le côté obscure du dessous avant de découvrir le monde du dessus, d’où elle vient, et où us et coutumes sont bien différents. Malheureusement ces deux mondes ne sont guère hermétiques et les luttes intestines fragilisent bien des équilibres… Une série à lire absolument quelque soit votre âge !!!!!!!  Vous y retrouverez la magie des contes, l'envoûtement des plus grands mythes et un récit, plein de rebondissements, servi par une jolie plume. Impossible de s'ennuyer !  

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 16:38

Je ressuscite ce petit texte co-écrit avec Beñat Laneguine (alias Canardo pour certains). Nous avions laissé voguer notre imagination, résultat : il diffère un peu de ce que j'écris seule :

 

 

Adossés à une Ford T, à l’abri de l’immense temple protestant dominant la ville de Brainstone, Bonnie et Clyde se préparent à commettre leur premier méfait, un coup d’une simplicité déconcertante. Durant des semaines, ils ont observé les habitudes de chacun, les allers et venues des clients. Durant des semaines, ils ont dessiné les plans du magasin et de ses alentours tout en imaginant le scénario qui sera le leur. Tout est calculé, même les rondes du shérif sont répertoriées dans un vieux cahier d’écolier. Le risque zéro est assuré.
Le jour tant attendu arrive enfin. Un soleil de plomb assomme la ville. Dans les rues, il n’y a pas l’ombre d’une âme qui vive. Clyde réajuste son panama après s’être essuyé le front avec son mouchoir. Bonnie replace les plis de sa jupe, remonte ses chaussettes et se recoiffe. Ils sont calmes et concentrés, les traits de leurs visages sont à peine tendus. Après avoir échangé un dernier regard, ils partent chacun de leur côté.  
Comme tous les mardis, Angela tient seule l’épicerie. Bonnie et Clyde ont remarqué que son mari vaque à d’autres occupations. Ce sera un coup facile, mais ils savent que d’autres viendront où coulera le sang. Les battements de leurs cœurs s’accélèrent, leurs mains ne tremblent pas, c’est leur destin. Une montée d’adrénaline les envahit. Le couple joue maintenant dans la cour des grands. Ils n’ont peur de rien, leur instinct les guide. Bonnie et Clyde sont nés pour braquer.
Ils approchent en silence.
Devant l’entrée, la patronne somnole sur son rocking-chair. Ses mouvements sont lents, ses kilos sont là. Ses cheveux gris et graisseux collent à ses tempes. Sa robe épouse avec difficulté ses formes débordantes. Sa canne repose à ses côtés. Bonnie grimace en regardant ce tas informe affalé au fond du fauteuil à bascule. Clyde s’en moque, il arrive tranquillement sur le côté du bâtiment, les mains dans les poches.
Il a pour mission de voler, elle, elle doit maîtriser la vieille impotente.
Les ronflements de l’épicière couvrent les légers bruits provoqués par leurs chaussures. Clyde, tel un chat, passe par la fenêtre pendant que Bonnie se saisit de la canne. Il trouve rapidement cet or qui lui tend les bras, il s’en empare puis s’éloigne en direction de l’auto. Il tend l’oreille et reste aux aguets.
Bonnie lève son arme et le coup part en plein dans la tête.
Imperturbable, elle rejoint l’homme de sa vie. Celui-ci est surpris, jamais elle n’avait perdu la raison.
 — Pourquoi l’as-tu assommée avec sa canne ? demande Clyde
 — Elle ronflait trop fort ! répond malicieusement Bonnie, une étrange lueur dans les yeux.
Elle esquisse un sourire, l’embrasse rapidement. Le temps presse. Ils sautent sur leurs vélos et décampent avec leur butin.
Bonnie, neuf ans, et Clyde, dix ans, ont trois kilos de bonbons dans leur musette et un palmarès à venir.
 

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 14:15

 

L'auteur de altea mundicet excellent tome 1, Les exilés de Kréas, a gentiment accepté de répondre à quelques unes de mes questions, et je suis contente de les partager avec vous. J'espère ainsi vous faire découvrir un écrivain qui le mérite et qui est d'ailleurs publié depuis quelques années maintenant (voir mon article critique d'Altera Mundi ci-dessous, rubrique "j'ai lu")  :

 

1 – D’où t’est venue l’idée d’écrire « Altera Mundi », roman fleuve de science-fiction ?


ALTERA MUNDI est né d’une longue et profonde réflexion sur la vie et ses mystères, sur la religion, la science et les dérives qui leur sont propres, sur le passé et sur l’avenir. Je fais faire au lecteur un saut de presque soixante dans le passé puis un bond dans le futur au rythme de la vie de Martin Bagel et de sa descendance, de 1954 à 2066 en survolant l’évolution parfois chaotique du monde. Le voyage se fait sans violence.
ALTERA MUNDI est un message de tolérance, un plaidoyer pour que l’Homme accepte les différences quelles qu’elles soient, une apologie de la science maîtrisée, un réquisitoire contre les obscurantismes, en veillant à ce que le lecteur ait toujours le dernier mot…

2 – Au préalable, as-tu entrepris de nombreuses recherches ?


L’écriture même de cette trilogie m’a obligé à effectuer des recherches dans le domaine du passé récent, mais surtout de la science afin que les hypothèses que j’avance ou les affirmations que je risque çà et là soient corroborées ou bien par des faits avérés ou bien par des théories scientifiques plausibles. Tout au long de cette trilogie, j’ai essayé d’être honnête avec le lecteur en m’adressant à lui avec une conviction que la science étaye petit à petit.
Le fait que je sois un écrivain autodidacte a accru ma curiosité en la matière et ouvert mon appétit de savoir.

3 – Une histoire en trois tomes demande-t-elle un plan très élaboré ? As-tu laissé une place pour de l’improvisation ?


Au niveau de sa présentation, je n’avais pas à l’origine prévu de scinder ALTERA MUNDI en trois tronçons. Je l’avais écrit d’une traite, ce qui me paraissait logique.
Or, des échanges avec des auteurs et des éditeurs m’ont convaincu qu’un pavé de plus de mille pages était techniquement difficile à réaliser et plus difficile encore à mettre sur le marché pour une question évidente de coût. J’ai donc repris mon roman. La scission en trois époques m’a obligé à réécrire chacune d’elle, mais cela m’a aussi permis de l’actualiser.
Dans chacun de mes romans, une grande liberté est laissée aux protagonistes. Je plante le décor, y mets les personnages et les laisse évoluer avec juste ce qu’il faut de liberté pour qu’ils n’échappent pas. D’une certaine façon, ce sont mes personnages qui écrivent mes romans. Je ne fais que les suivre, mais suffisamment de près, afin d’entendre battre leur cœur et murmurer leur âme.

4 – D’autres projets sont-ils en cours ?


D’une part, je termine un roman dont la Vieille ville de Blois et le domaine national de Chambord tout proche seront le cadre. Il ne s’agit pas d’un roman historique comme on pourrait s’y attendre, mais d’un thriller psychologique.
D’autre part, l’idée d’un prequel à ALTRA MUNDI prend forme lentement. Dans « Les exilés de Kréas », premier tome de la trilogie, le lecteur découvre Martin Bagel alors qu’il a déjà sept ans.
Or, que s’est-il passé au cours de ses sept premières années d’existence ? D’où viennent ses dons particuliers et de qui les tient-il ?
De son père ? De sa mère ?
Martin évoque à plusieurs reprises ses parents et notamment son père au passé trouble et mystérieux. En revanche, il parle peu de Françoise, sa mère…
D’où viennent-ils ?
Que s’est-il réellement passé dans la vie de Robert Bagel pour qu’il ait une telle connaissance universelle, un tel esprit de déduction, et possède davantage qu’une simple philosophie des sciences. Pourquoi a-t-on toujours l’impression qu’il retient son savoir ? Où était-il et que faisait-il réellement pendant sa guerre ?
Autant de questions qui devaient trouver une réponse à l’horizon 2014.

 

Merci, Jean Noël, d'avoir accepté cet entretien.

 

http://www.inoctavo-editions.com/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-No%C3%ABl_Lewandowski

http://jean-noel-lewandowski.fr/

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DEDICACES

- 2 juin 2013 à La Pierre (38)

- 7 juillet 2013 à St Pancrasse (38)

- 18 août 2013 à Allevard (38)

- 13 octobre 2013 à La Buissières (38)

 

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