Je vous propose un autre importun, celui de Beñat Laneguine (alias Canardo, pour certains lecteurs). Et, je vois certains d'entre vous se dire : "Décidément, quelques uns n'ont pas de chance !" Mais, comme cela nous procure de jolis textes, nous en redemandons et crions "Vives les trouble-fêtes" ! D'ailleurs, mon petit doigt me dit que celui-ci ne laissera personne indifférent...
Assise depuis quelques minutes sur le fauteuil en cuir du salon, je rêve, sereine, un livre ouvert sur mes genoux. La saga
des Rougon-Macquart, débutée cet été, touche à sa fin et à celle de Pascal, le dernier de la famille. Je me pénètre de la douceur du feu crépitant dans l’âtre de la cheminée, j’admire les
hortensias que j’ai fait séché, je jouis du calme et du silence. Dehors, les premiers flocons de l’hiver tombent sur le sol gelé.
Puis soudain, je croise son regard. Ses yeux verts me fixent, je ne détourne pas les miens, attirée par son insistance. Je
jette un nouveau coup d’œil vers l’inopportun. Il n’a pas bougé, il insiste sans complexe.
Je me focalise sur cet impertinent – ah la blague ! - mais je saisis mon roman, en parcours quelques lignes, Pascal Rougon
butine sa nièce. Malgré moi, je relève la tête. L’impudent est toujours là, à m’observer, inquisiteur ! Mais c’est mon fauteuil, et je ne bougerai pas. Il m’amuse et ne gâche pas mon plaisir. Je
me lève et m’en vais préparer un café. Ce sans-gêne a réussi à me chasser de ce havre de paix cet été, mais l’automne est passé par là et José aussi.
Sur le coussin qu’il m’avait volé, le chat de mes voisins y repose tranquillement maintenant. Je n’attends pas une minute
pour vous dire avec satisfaction que José est taxidermiste, empailleur pour être plus claire. Face au miroir, il me semble voir étinceler, au fond de mes prunelles, une lueur de victoire.