Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 15:38

Un duo de plume vous offre ce joli texte, cette révolte toute en finesse et belles lettres, ces quelques mots qui jouent là de bons coups.Lisez, et vous comprendrez mieux ces lignes d'introduction :

 

Si je n'exécute pas ces ordres, d'autres seront donnés et là, c'est moi qui serai exécuté. Pourtant, tout m’interdit de céder. Tout va à l’encontre du bon sens, à l’encontre des règles. La tension est là, bien palpable, au plus noir comme un grand jour, à l’ombre des tours comme sur le grand échiquier de la vie qui nous malmène. Chacun de nous tous ne supporte plus ces ordres arbitraires, ces missions perdues d’avance. Ils m’ont choisi, désigné messager de la vox populi, triste héraut des temps anciens. Ma mission, me faufiler jusqu’au roi, à la reine peut-être, pénétrer dans cette cour qui pourrait tout aussi bien signer ma mort, et plaider notre cause de condamnés.
À peine sorti du rang, voilà que j’hésite, apeuré de quitter les miens, aveuglé par mon sort hasardeux. Je crois avoir reculé une fois, ou deux. Mauvaise tactique de diversion. Pauvre cavalier. Si seulement je trouvais l’un de mes compagnons d’armes, au moins aurais-je alors le cran de porter haut ma révolte, notre cri de rébellion. Mais point de salut, chaque pas est un coup vers la mort, me semble-t-il. Vaincre les ennemis, déjouer les stratégies les plus viles, et puis, alors, seulement, atteindre la dernière ligne.
Il se dresse enfin face à moi, haut perché, grand et triste sire dont le regard ne daigne même pas se poser sur moi. À ses côtés, la belle dame si pâle, ma reine, la tendre et délicate souveraine de mes jours. Qui suis-je pour oser poser mes yeux sur le plus infime éclat de ses atours ? Tous les mots mille fois pensés et répétés, tous ces cris de révolte hurlés par mes compagnons d’infortune, les voici enfermés dans ma tête, avortés aux portes de ma bouche. Comment leur faire ainsi entendre les maux du poltron héraut que je suis ? Las, je peine, me fatigue à l’effort et m’épuise.
La divine face d’ivoire semble se rire de moi. Fuir, lâchement battre en retraite m’effleure l’esprit lorsque soudain le roi, comme pour me retenir et prolonger cette partie fatale, avance vers moi. J’espère, crois plus que jamais à la bienveillance du monarque. N’aurais-je finalement pas traversé les lignes ennemies en vain ? Peut-être le discours sera-t-il plus aisé si mon cœur ne s’emporte pas, séduit par une trop belle figure.
C’est alors que je sens une force monstrueuse me heurter, un terrible coup qui m’abat sans vergogne ni retenue. Je m’affaisse sur le plateau.
Fous et cavaliers, tours fragiles et petits pions, tous vaincus.
La partie est finie. Echec et mat.

 

Partager cet article
Repost0
18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 11:36

Je viens de recevoir une nouvelle "révolte" que je suis ravie de partager avec vous. Elle rappellera à plus d'un lecteur des souvenirs... Si si si, lisez, dégustez et souriez !

 

Annecy

Lundi après-midi. Après une journée d’école remplie de billes et stylos Bic, Benoît se change pour partir à l’aventure. Enfin, il est prêt, son vélo aussi. Le Père Noël est passé par là et, grâce à lui, il va enfin épater Amandine.

Mais tout d’abord, il doit s’entraîner pour espérer voler vers celle qui deviendra, il en est sûr, sa première fan. Son papa a tout réglé : la selle, les freins et le caméscope. Le chemin sur lequel Benoît va se hasarder est en pente douce. Ce sera facile, pas besoin de pédaler et aucune chance de prendre un retour de manivelle dans les mollets. Zou ! Comme sur la trottinette ! C’est parti !

Les roues n’ont pas encore achevé leur révolution que ses mains viennent écraser le gravier bien pointu. Son père a posé des pièges… Ses paumes se vident de leur sang... Il crie à la traitrise, il hurle à la mort ! Sa mère, l’infirmière en chef de la maison, le soigne grâce à un bisou magique et à de la beta qui dine. Vélo 1, Benoît 0.

Mardi. Billes et stylos ont peu attiré son attention, c’est à Amandine qu’il pense. Ganté jusqu’aux coudes et un flacon de béta qui dîne dans la poche, il saisit brusquement son vélo afin de lui montrer qui est le maître. Fier, il le regarde droit dans le guidon, et en passant, lui assène un coup de pied. Non deux.

Le caméscope est prêt pour le deuxième épisode. Le garçonnet observe à droite, puis à gauche, pas de gravier ni de caillou en vue. C’est parti : 2π, 4π et sa tête termine dans les hortensias. Il n’aime pas les fleurs et cette fois-ci, c’est sa maman la fautive ! Planter de telles horreurs sur une piste cyclable, c’est incontestablement volontaire. Digne, les cheveux en pétales, il se relève seul. Il recommencera demain après avoir coupé au sécateur ces immondes traquenards. Vélo 2, lui 0.

Mercredi. Benoît a réfléchi toute la nuit et en a déduit que seul le vélo était le responsable de ses chutes. Alors, même s'il est neuf, il va prendre une rouste. Le caméscope n’est pas encore prêt, Alexis en profite pour descendre au garage et prendre l’objet de torture qui sied au vélo : une pelle. Non, elle est trop lourde, la pioche conviendra parfaitement. Il arme difficilement son sceptre pour qu’enfin règne son autorité. Déséquilibré par l’objet contondant, Benoît tombe à la renverse les fesses dans les bidons d’huile. L’outil s’abat sur l’étagère où sont rangés les bocaux. Celle-ci vacille et s’écrase au sol. Zut, son père ! Vélo 3, lui 0. S'ils s'allient, il ne pourra rien faire.

Jeudi. Il doit réussir ! Après avoir englouti une part de platfoutis aux cerises, la spécialité ratée de son père, il saisit la machine à remonter l’étang et l’enfourche. Une fesse sur la selle, un pied sur une pédale fuyante et les mains crispées sur le traître guidon, l’équilibriste têtu se concentre et appuie… enfin. Malgré la poussière disséminée sur la route et les feuilles prêtes à le renverser, il effectue son premier vol cycliste. Le nombre de π effectués est impressionnant, le record est battu. Il aurait volontiers continué vers la gloire et les couettes amandines, mais le portail n’a pas voulu qu’il cueille les lauriers. Vélo 4, lui 0. Demain, il aura droit à son bisou.

Vendredi. Sa Daphné l’attend au square des moines, rebaptisé square Bernard Hinault, célèbre cycliste du temps des dinosaures. C’est à deux cents mètres de chez lui, et son parcours ne sera qu’allégresse sous ses yeux. La descente s’effectue sans incident majeur, le portail de quatre mètres de large est franchi avec une facilité déconcertante, il pédale avec une aisance nouvelle. Il la voit sourire, il est heureux, sa joue aussi ! Tout d’un coup, un malotru le dépasse tel un Richard Virenque survitaminé. C’est Marc, son copain de classe, sa sœur est jolie, mais c’est une grande et fait du karaté ! Il est dépassé si rapidement que le courant d’air l’envoie valser dans le fossé. Il se relève et voit son ennemi recevoir un énorme bisou de sa Pénélope. Il a encore perdu. Vélo 5, lui 0.

Samedi. Il ne peut pas terminer sur un 6-0 ! Question d’honneur. Cela ressemblerait à du tennis.

Benoît pratique la danse du vélo tel un Indien autour du totem et invoque tous les saints connus. Saint Armstrong, Saint Jalabert et Saint Mercx, le Saint des Saints. Le vélo à la main, l’apprenti cycliste se dirige vers un canal du quartier historique. Annecy ressemble à Amsterdam, enfin du haut de ses sept ans, c’est ce qu’il croit. Plouf ! Il jette son tas de ferraille dans l’eau. C’est de cette manière qu’ils procèdent en Hollande. Victoire du petit Lenoir par abandon.

Partager cet article
Repost0
5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 12:54

Vous l'aurez compris, Sousmarin est le pseudo de notre auteur d'aujourd'hui à l'imagination débordante et je vous invite avec plaisir à partager cette révolution fomentée par les tomates : une expérience originale et unique que j'ai bien appréciée ! Un texte qui n'est pas dénué d'une pointe d'humour et terriblement décalé. Voilà de quoi bien commencer la semaine !

 

 

Dans la ferme, le silence règne.
Les hommes et les animaux sont tous silencieux devant l’énormité de la nouvelle : la révolution des légumes a commencé.
Entraînés par la fougue et la vivacité des tomates, les légumes, amenant toutes les plantes avec eux, sauf les fleurs qui ne voulaient pas voir leur beauté faner, se sont mis en tête de diriger de monde et, pour se faire, emploient le seul moyen à leur disposition : le chantage. En effet, en l’absence de pourparlers immédiats, ils refusent tout bonnement toute pénétration d’eau en leur sein !

Dans un premier temps, les fermiers rigolèrent et les vaches beuglèrent, mais lorsque le maïs sécha sur pieds et que l’herbe jaunit, les rires prirent la même teinte… On tenta l’impossible, mais même en immergeant les légumes dans l’eau, celle-ci ne pénétrait pas ; l’affaire fut donc confiée aux scientifiques.
De nombreuses hypothèses furent avancées… pour les uns, il y avait manipulation génétique des légumes, pour les autres ces derniers avaient passé une alliance avec l’eau qui, elle seule, avait la capacité à se modifier en profondeur, pour d’autres encore, cela ne pouvait être que le réchauffement planétaire le responsable et les légumes n’étaient que des simulateurs et des profiteurs.

Après un mois de vifs débats et l’installation de la famine, la stérilité des solutions poussa sur le devant de la scène les militaires qui furent d’avis de brûler les renégats et de planter des légumes plus dociles. La première phase de l’opération fut un succès total et les militaires se pavanèrent, mais quand on passa au replantage et que pas un légume ne poussa, les militaires firent un rapport de 350 pages en 3 exemplaires disant, en substance, que cette conclusion était imprévisible…
Les politiques, acculés, prirent une décision : la création immédiate d’une commission d’experts ; satisfaits, ils allèrent déjeuner la conscience tranquille.
Quelque 200 repas plus tard, repus, les spécialistes furent d’avis que la situation était anormale et méritait une étude approfondie. À ce moment là, bien entendu, plus aucun légume n’était visible sur terre, ils attendaient souterrainement…

Certains politiques virent alors une occasion de prendre le pouvoir en fournissant au peuple affamé un bouc émissaire : les fleurs ; les légumes c’est tellement bon et les fleurs c’est périssable...
Les fleurs avaient perverti les légumes et devaient toutes, sans exception, être exterminées.
Les campagnes se mirent à ressembler à des territoires lunaires.
Un ministère aux affaires florales fut créé, et des lois interdirent les fleurs en tout lieu et en toutes circonstances ; ces lois furent sévèrement appliquées par une milice.
Les fleurs en voie d’extinction, les légumes ne devinrent pas plus réceptifs à l’eau pour autant… les politiques, se rappelant alors le goût du jus de tomates, se vendirent aux légumes pour une soupe.

Toutes leurs exigences furent acceptées, y compris la fourniture d’esclaves humains.
Les politiques, la larme à l’œil, jurèrent leurs grands dieux que l’on ne pouvait pas faire autrement… que c’était la mondialisation la responsable… que ceux qui sacrifiaient leurs enfants étaient des héros, mais peu d’entre eux le fit ; à part ceux qui voulaient se débarrasser des leurs bien sûr…
Ce matin là, dans le silence criant, les futurs esclaves marchent vers leurs destins.
Les tomates, arguant de leurs rôles prépondérants dans la révolution, avaient pris les postes directoriaux ; il y eut même une guerre civile entre les plus rondes, les plus juteuses, les plus rouges ou les plus grosses pour décider des qualités prépondérantes – qualités bizarrement basées sur des critères humains –, mais, pendant un temps, ce fut purée de tomates à foison !

La guerre avait pris fin, à la grande désolation des humains, et les esclaves avancent maintenant entre deux rangées de tomates d’élite. C’est alors que l’un d’entre eux secoue la tête et dit « Non ! » en se mettant à piétiner les grosses tomates rouges et juteuses sous les yeux ébahis de ses compatriotes… La résistance naquit ce jour malgré la mort rapide de son précurseur qui, étouffé de jus, en devint rouge tomate…

 


Partager cet article
Repost0
29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 11:02

C'est au tour de Pollux de nous faire rire avec sa prose déjantée et ce ton caustique qui nous plaît tant ! 

 

 

 

 

- Vraiment, M'sieur le Commissaire, je sais pas trop quoi vous dire.

Je me rappelle pas tous les détails, vous savez, quand on est une pauvre vieille comme moi à s'occuper de la maison, des chats et du jardin, pas aidée par l'homme que j'ai, vous verriez ça, c'est moi que vous plaindriez, tiens ...

C'est vrai qu'il est bien amoché. Ça, je l'ai pas raté. Mais aussi, il l'a bien cherché, non ?

Vous ne comprenez pas ? Comment c'est arrivé ? Bah, une banale dispute entre mari et femme, ne me faites pas croire que vous ne connaissez pas ... Pas la question ? Bon, si vous voulez ... Que je vous raconte ? Il ne l'a pas déjà fait ? Ah c'est vrai, mâchoire fracturée, il ne peut plus parler ... Hmmpf ... Excusez, Commissaire, c'est nerveux ... Non, rien, je pensais juste que je vais avoir la paix quelques semaines, moi ... Oh, ça va, vous n'avez pas d'humour, Commissaire, ou quoi ?

 

D'accord, d'accord, je me tais.

 

Que je raconte ? Ben vous alors, faudrait savoir. Holala, quelle nervosité ! Bien tous pareils, les hommes, allez …  Comment ? Insulte à agent ? Oh,   Commissaire, comme vous y allez ...

 

Bon, on en était où, déjà … Comment ? Des poursuites ? Une ... ? Une plainte ? Il veut déposer une plainte ? Pfff ... Vous savez quoi, M'sieur le Commissaire ? Il a jamais été capable de faire la moindre démarche ... Toute la paperasse, c'est moi qui m'en suis toujours occupée. Lui ? Pensez-vous ! Tout juste bon à aller faire son tiercé et taper le carton avec les copains au café. Quoi ? Les voisins disent que c'est faux ? Qu'il s'occupait du repassage ? La belle affaire ... Oui, il repassait deux ou trois bricoles, c'est vrai, mais ça ne lui prenait guère de temps, allez ... Le ménage ? Que voulez-vous, c'est un maniaque, le bougre, allez le dissuader de briquer partout, vous m'en direz des nouvelles ... Les courses ? Ah, mais parlons-en, des courses ! Un incapable ! Pas une fois il ne me ramenait ma liste sans un oubli ou une erreur. A croire qu'il le faisait exprès ! D'ailleurs, vous savez quoi, M'sieur le Commissaire, puisque vous m'en parlez, des courses, eh bien figurez-vous que c'est à cause de ça que ça a mal tourné, tout ça ... Mais oui, bien sûr, c'était de sa faute ! Ça fait une heure que je vous le dis ! Vous croyez que je l'aurais frappé comme ça, sans raison ? Allons, je suis une honnête femme, vous savez ! Seulement, moi, j'suis comme ça, faut pas m'énerver. Vous auriez fait quoi, vous à ma place ? Comment, vous ne savez pas ? Je vais vous le dire, moi : vous seriez sorti de vos gonds ! Parfaitement ! Parce que, croyez-moi, quand vous vivez depuis quarante-cinq ans avec un bonhomme flemmard, traînard, et incapable de faire trois commissions, qui vous met les nerfs en pelote dix fois par jour, que rien qu'à le regarder vous ne le supportez plus, et que vous le voyez rentrer du Coop la gueule enfarinée, avec un sourire niais en vous annonçant "Pour ta glace, y'avait plus caramel, alors j'ai pris chocolat" ... sérieusement, Commissaire, Vous pensez que vous, vous auriez gardé votre calme ?

 

Si ça, c'était pas seulement pour me mettre en boule ?? Allons : il le sait bien, que j'ai pas droit au chocolat !

Partager cet article
Repost0
26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 14:38

Je suis contente de mettre en ligne ce texte court d'EmmaBovary et de vous présenter sa plume acérée, son humour grinçant et son style qui me séduit toujours autant, même lorsqu'elle explore les aspects les plus noirs de la vie, même lorsque ses mots me gifflent. Merci pour ce cadeau, EmmaB !  

 

 

 

Retire les mains de tes poches ! Arrête de gigoter ! NE touche PAS ! On a dit quoi, tout à l’heure ? On re-gar-de avec les yeux… Ne reste pas dans mes pattes, tu me gênes ! Ne va pas là, je ne te vois plus. Tiens-moi ça ! Tu préfères quelle couleur ? Alors… C’est pas vrai ! Bon, on prend la rose ! Mais enlève les mains des poches de ton pantalon, tu vas les déformer ! Allez, on prend ça aussi ! Bleu clair, tu aimes bien le bleu clair d’habitude ? Ne joue pas avec la porte, ça embête la dame ! Quand tu auras les doigts coincés dedans, tu ne viendras pas pleurer, hein ! Mais ne te gratte pas le nez comme ça, tu vas avoir des narines immenses ! Tu as un si joli petit nez… Ne cours pas, tu vas tomber ! Marion, donne-moi la main pour traverser. Non, on ne s’arrête pas au manège. Pas question ! Maman ne travaille pas pour que Mademoiselle fasse des tours de manège toute la journée !

Tu peux jouer avec les autres mais ne vas pas trop loin. Ne cours pas, tu vas faire tomber quelqu’un ! Reste ici ! Dis, tu veux que je t’aide à grimper dans les arbres ? Viens boire ton jus d’orange. Mais qu’est-ce que tu as fait pour avoir les mains aussi sales ? Quoi les fourmis ? Ben oui, il y a des fourmis, le parc c’est comme la nature, elles ont le droit de vivre ! Va jouer ! Ne pousse pas ton camarade ! Attention à ta robe neuve ! Et ne met pas les mains dans tes poches, tu vas abîmer les jolies broderies ! Marion, j’ai entendu… On ne dit pas « Je m’en fous ! », c’est impoli. Et c’est très vilain dans la bouche d’une petite fille.

Finis ton assiette ! Tu ne vas pas encore chipoter ! Bois un peu d’eau. Ne t’affale pas comme ça… Ramasse ta serviette ! Et arrête de taper du pied contre la chaise, c’est pénible ! Tu as été sage à l’école ? Est-ce que Papa t’as fait faire ta lecture ? En entier. Bon… Pardon ? Non, tu n’iras pas voir le match de foot avec ton père. C’est pour les garçons. Tu vas bientôt aller au lit de toute façon. Non, neuf heures, c’est trop tard ! Je me fiche qu’il n’y ait pas école, j’ai du repassage. Non, Marion, pas de foot ! Même cinq minutes. Il n’en est pas question !

-          Maman ?

-          Quoi ?

-          Merde.

Partager cet article
Repost0
13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 10:48

Les révoltes se suivent sans se ressembler. Aujourd'hui, C'est Khéops qui donne le ton. Elle nous dévoile un style amusant, une histoire cocasse, mais ne vous y fiez pas trop, sous cette plume se cachent des crocs acérés !

 

 

 

—Sors de là immédiatement !
L’ordre était absurde ! Dans la salle, « Les yeux revolver » susurraient en sourdine. Marc Lavoine aurait pu le fredonner en boucle que personne n’y aurait fait attention. Pourtant, la vétérinaire avait vraiment à cet instant, le regard qui tue. Depuis vingt minutes elle essayait de faire sortir Socrate de son refuge sans y parvenir. Le petit félin crachait et griffait dès qu’elle approchait la main et la peau de ses phalanges en avait fait les frais. Des filets de sang lui zébraient les doigts. J’avais fait moi aussi une tentative infructueuse et mon épiderme douloureux n’avait pas envie de recommencer l’expérience. Socrate n’avait même pas la reconnaissance du ventre !
—Bon, on ne va pas y passer la journée, j’ai d’autres patients, moi !
La toubib très agacée et moi plutôt gênée face à la mauvaise volonté de Socrate, je ne savais que répondre. Pour détendre l’atmosphère, je tentai de plaisanter :
—C’est un petit mâle, que voulez-vous ! Sûrement un trop-plein de testostérone…
Les deux poignards – et pas de Cupidon – qui servaient d’yeux à la véto me firent ravaler bien vite ma blague douteuse.
—Je vous rappelle que Socrate est castré ! me répondit-elle d’un ton glacial.
Il n’y avait donc aucune solution. Mon félin adoré, d’ordinaire si gentil avait décidé de nous en faire baver. Sa philosophie du moment était « Je ne me connais plus ». Tapi au fond de sa valisette de transport, le poil hérissé et la moustache batailleuse, il nous opposait la farouche revendication de son autonomie.
Soudain, la vétérinaire eut une idée.
—Refermez la grille, s’il vous plait. Je vais ouvrir la trappe du haut et essayer de le prendre par la peau du cou.
Sur un plateau métallique, le vaccin attendait son heure. La toubib plongea sa main désormais gantée et attrapa l’animal. Puis de l’autre main elle se saisit de la seringue. Mais Socrate ne l’entendait pas de cette oreille. Un miaulement affreux, aigu, rageur nous vrilla les tympans. La vétérinaire réussit à lui planter l’aiguille dans le gras du dos mais alors qu’elle s’apprêtait à lui injecter le produit, le chaton donna un violent coup de reins et se dégagea de son emprise. En digne descendant des grands fauves, il bondit de la table d’auscultation et traversa la pièce d’une traite pour se réfugier derrière un meuble. Mais il se ravisa, et comme un boomerang, revint tout aussi vite à son point de départ, au fond de son antre, la seringue toujours plantée dans la nuque. Alors, la toubib, avec un cri de triomphe un brin sadique, enfonça le piston. Un pauvre miaulis de détresse retentit du fond de la boite, comme un sanglot. Le fauve était terrassé, la domptrice exultait.
—J’y suis arrivée !
Et moi je regardais mon petit bout de chat d’à peine huit mois, vaincu, mais après une lutte digne du roi des animaux !

Partager cet article
Repost0
9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 15:09

Je suis vraiment contente que Danielle AKAKPO inaugure ce nouvel appel à textes (dont le thème est "révolte") parce que non seulement je l'apprécie en tant qu'auteure et amie, mais en plus j'adore sa plume grinçante qui convient si bien à ce texte :

 

 

 

Les ingrats, les voyous ! J’en bégaie, je ne trouve pas de mots assez forts pour les vilipender ! C’est Elsa, ma bru, qui mène la danse, et mon pauvre imbécile de fils va dire amen comme toujours ! La rage m’a fait bondir de mon fauteuil comme un diable en dépit de mes vieux os, dès qu’ils ont eu quitté la maison ! Ils vont voir de quel bois je me chauffe. Un coup de canne dans la photo de mariage de Marc et Elsa, en mille morceaux le cadre, le verre, non mais…! Et ce n’est qu’un début.
 Elle me croit sourd, la garce, mais j’ai bien entendu sa voix de perroquet enroué.
— C’est un ultimatum, Marc, je suis à bout ! Il m’use, le vieux. Il ne cesse de gaspiller la nourriture. Et tous ces médicaments… sa chambre est une vraie pharmacie. Cerise sur le gâteau, il sent mauvais maintenant. N’est-ce pas Titi ? (Le chiard a gloussé que Papy sentait la pisse !) C’est dégoûtant ! On va de suite réserver cette place aux Acacias.

Je suis en ébullition. Je gaspille la nourriture ? Si la feignasse consentait à la hacher, comme l’a demandé le médecin, je mangerais de meilleur appétit. Mes médicaments dérangent madame ? Qu’à cela ne tienne, je vide les boîtes sur la moquette et je piétine consciencieusement. Cha cha cha, comme à vingt ans ! Avec mes chaussures, c’est encore mieux ! Un an que je ne les ai pas portées parce qu’on ne me sort jamais et que tout seul je n’ai pas le droit. Au hachis de cachets, j’ajoute une flaque de sirops. Tu nettoieras cette boutasse immonde, mégère ! D’abord qui l’a payée cette moquette ? Le vieux. Il paie tout ici ! Les gredins ! Ils vont voir ! Je cours jusqu’à la chambre de Titi. Envolée ma fatigue, même plus besoin de canne ! J’ai pris au passage la hache dans le cellier. Et vlan dans l’ordinateur, vlan dans le robot, dans le circuit de voitures. Les cadeaux de Papy qui sent la pisse, petit salaud ! Elle est belle ta chambre, on se croirait dans une décharge publique.
Je tremble de fureur et de joie destructrice. Les robes d’Elsa, c’est la pension du vieux dégoûtant qui les paie aussi. Je n’ai jamais eu autant de plaisir à manier les ciseaux. Mes doigts bosselés par l’arthrose taillent allègrement dans les tissus comme dans du papier de soie !
Ça cogne dans ma tête, mon cœur bat à cent à l’heure. Marie, ce que tu dois avoir mal si tu vois de là-haut comment ils me traitent, ces fumiers ! Marie ! Penser à elle décuple ma rage. Je rugis dans l’escalier, même s’il n’y a personne pour entendre.
—Elle est à moi cette baraque, même si comme un vieux con que je suis, je vous l’ai donnée en échange de vos bons soins. Vous n’avez pas le droit de me foutre dehors comme un chien ! Au fait, il ne pue pas le cabot que vous avez ramené de la SPA ? Je n’irai pas dans votre mouroir, plutôt crever sur un trottoir.
Et puis merde, vous ne l’aurez pas ma maison. Fallait pas laisser traîner les allumettes, Elsa !

Une heure plus tard, les pompiers tentent vainement de sauver ce qui reste de la maison des Fournier. Elsa, Henri, Titi en pleurs se demandent où ils vont passer la nuit. On n’a pas trouvé Papy dans les décombres, juste le chien. Ça ne les inquiète pas plus que ça.
Papy a marché jusqu’à la rivière. Épuisé, il s’est allongé dans l’herbe, a fermé les yeux et s’en est allé rejoindre Marie, apaisé, un sourire aux lèvres.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de ptit lu
  • : Vous trouverez des textes d’auteurs collectés lors d’appels, des billets sur mes lectures ou mes films, des infos sur des nouvellistes, poètes ou romanciers qui valent le détour, des interviews ... et mes aventures d’auteure en herbe. J’espère que vous aurez envie, en passant, de laisser un commentaire. N’hésitez plus, partez à la découverte…
  • Contact

Profil

  • ptitlu
  • j'aime lire,écrire,courir,cuisiner et surtout j'ai envie de partager mes rencontres littéraires,alors suivez-moi...
  • j'aime lire,écrire,courir,cuisiner et surtout j'ai envie de partager mes rencontres littéraires,alors suivez-moi...

DEDICACES

- 2 juin 2013 à La Pierre (38)

- 7 juillet 2013 à St Pancrasse (38)

- 18 août 2013 à Allevard (38)

- 13 octobre 2013 à La Buissières (38)

 

Recherche