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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 20:03

Voici ma contribution au jeu d'écriture n°92 du forum Maux d'auteurs que je fréquente très souvent (les deux phrases en gras étaient imposées) :

 

On était à la fin du mois d'août. Je n'avais pas très chaud au cœur. Un froid insidieux me glaçait même le dos pendant que Léa s’activait, sans un mot d’explication, entre sacs et caisses. Une fine sueur perlait à son front soucieux.   

Je n’avais jamais goûté les changements, notamment les départs en vacances. Je craignais toujours qu’elle m’oubliât dans quelque parc ou plage inconnue et lointaine, après en avoir séduit un autre avec qui elle partirait jouer les héroïnes de carnaval.

Affalé sur le vieux fauteuil de mousse vert, impuissant, je broyais du noir tandis que mes prunelles suivaient ses gestes, talonnaient ses pas. Les brides dénouées de ses sandales battaient la mesure menaçant de la faire chuter à chaque instant. Ses couettes rousses voletaient gracieusement au-dessus de ses épaules lui donnant un air enfantin qui tranchait avec les traits de son visage, figés et durs. Sa robe légère enveloppait sa silhouette effilée. Elle avait peint de vernis nacré ses ongles rongés.

Léa était toute ma vie. Chaque jour, je me montrais prévenant, tendre et drôle avec cette princesse au teint de porcelaine. Elle me contait tout et riait de mes facéties, de ma gaucherie. Même blessé, je pardonnais sa mauvaise foi.

Je ne vivais que pour ses mots doux chuchotés à l’oreille, ses caresses, la chaleur de son corps. Les jours de tristesse, je séchais ses larmes une à une.

Peut-être me reprochait-elle de ne pas l’avoir vue vieillir ? De rester un compagnon insouciant malgré mon corps usé par le temps ?

Peut-être ne ressentait-elle plus de sentiments à mon égard ?

Quantité d’hypothèses absurdes se bousculaient dans ma tête pendant que la belle et douce Léa vidait notre univers faisant fi de mes appels.

Je pleurais chacune des affaires qui disparaissaient au fond des cartons : son casque de vélo qui lui avait sauvé la vie plus d’une fois lors de nos folles escapades sur le sentier des douaniers longeant la côte d’Émeraude ; la vaisselle en porcelaine ébréchée, offerte par grand-mère, dans laquelle nous buvions le thé en compagnie de ses amies… Je ne comptais plus le nombre de souvenirs qu’elle entassait ainsi pêle-mêle vers une destination inconnue.

Pourquoi ?

Alors que les étagères de l’armoire étaient quasiment débarrassées de ses effets personnels, la bibliothèque vidée du tiers des livres et les coffres dépouillés de leurs trésors, elle daigna m’accorder un zeste d’attention.

Soudain, ses prunelles bleues se noyèrent dans un chagrin devenu trop grand. Sa main m’effleura, me saisit, me pressa contre son cœur. Blotti, je n’osai bouger, tremblant même à l’idée de commettre une imprudence, de rompre ce moment de tendresse, d’adieu. Ses lèvres humides et salées m’embrassèrent longuement.

Je t’aime Léa.

Je veux rester près de toi, admirer ton profil, respirer ton odeur, être celui à qui tu confies secrets et peurs. 

Dans quelques jours, m’annonça-t-elle d’une voix cassée, c’est la rentrée des classes. Je vais aller au collège. Maman dit que je suis une grande et que je dois me débarrasser des jouets. Mais comment vais-je faire sans toi ?

Un doudou n’est pas un jouet ! Garde-moi ! N’écoute pas les adultes ! Cache-moi sous l’oreiller !

…Léa, m’entends-tu ?

L’adolescente fit un pas vers un carton entrouvert dans lequel patientaient Mia la poupée borgne, Théo le poupon unijambiste et des cahiers de coloriage. Son bras se déplia me suspendant au-dessus du contenant mais elle se ravisa, m’adressa un sourire complice et me glissa sous l’édredon.  

 

 

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25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 20:49

Le forum Maux d'auteurs, auquel je participe régulièrement, propose des jeux d'écriture qu'il est possible de faire par équipe. J'ai donc partagé l'idée soufflée par Canardo et aligné mes mots aux siens pour créer ce petit texte sans prétention que nous avait inspiré "Le désespéré" de Courbet.

 

  courbet

 

SKRIK

 

1893 Chritiana

 

Jamais il n'aurait dû errer dans les dédales de Montmartre ou promener son regard sur les quais de la Seine. Quelle folie que de damer de ses pieds, les pavés de cette ville où la lumière se confondait avec l’art !

 

Les rues de Paris n’étaient que dangers, les lames tranchaient les gorges pour des bourses désespérément vides, mais Edward s’en moquait. Un autre péril retenait son attention : les peintres. Notamment les impressionnistes qui imposaient leur vision de la vie, de l'amour, de la mort. Ils maîtrisaient leur art et jouaient avec la palette des sentiments et des sensations.

 

À son retour en Norvège, le jeune homme était parvenu à prendre de la distance avec ces artistes dépravés et bonimenteurs. Seule une toile pervertissait encore son esprit. Malgré ses efforts, le Désespéré, signé par le maître des réalistes, s’était infiltré en son corps, lui avait volé son âme avant de l’entraîner vers le néant. Pour le vaincre, Edward voulait révéler le secret caché sous cette huile. Il ne connaissait qu’une seule méthode pour ôter le masque que Courbet s’était peint : tracer sur une toile son propre effroi. Edward devait réagir avant que ce jeune narcissique aux yeux fous ne l’attirât dans un nouvel accès de démence.

 

Déambulant dans les rues de Christiana et butant dans les mottes de neige printanières, il entrevoyait petit à petit les courbes et les longues lignes qui dompteraient ses aspirations. Celui qui allait devenir le maître de l’expressionnisme allemand tordait ses méninges comme il tordait ses pinceaux, il sondait du pied l’épaisseur blanche comme il sondait la profondeur noire de son âme. Courbet, le réveillait la nuit, son Désespéré le hantait le jour. Par instants, le dépit le saisissait. Edward s’imaginait revenir à Paris pour brûler ou lacérer à l’aide d’un couteau de boucher cet être immonde aux pouvoirs surnaturels. Sa vie ne serait pas celle de Dorian Gray. Horrifiés par un tel geste, les gens crieraient leur colère devant pareil acte. En guise de châtiment, peut-être fallait-il se contenter de lui crever les yeux ? La réalité avait fini par le rattraper, ses faibles économies ne lui permettraient pas un nouveau retour en la capitale française. Un unique choix s’offrait à lui : peindre la même angoisse, sa propre angoisse.

 

Dès que la lumière du jour éclaira suffisamment son atelier, il se mit à l’œuvre. Posée sur le chevalet, la toile guettait l’artiste enfiévré, ses outils placés en désordre sur une petite table attendaient la main nerveuse tandis que sur sa palette, les bleus et les rouges s’illuminaient sous un pâle rayon de soleil. Tout se passa très vite, convulsivement à partir d’un point de fuite. Sur un pont enjambant un fjord, entre couleurs de feu et de terre émergea une silhouette terrifiée. Dépourvue d’artifices, elle se fit homme et projeta en un hurlement infini toutes les peurs de l’humanité : la maladie, la mort, l’enfer. Le regard fantomatique et les formes tortueuses affichaient leur volonté d’emprisonner le spectateur dans un vertige abyssal. La délivrance s’achevait. Le Désespéré n’était plus perdu dans ses tourments et ne le repoussait plus, non, maintenant, il l’aimantait pour mieux l’emporter dans sa chute. L’autoportrait de Courbet venait d’enfanter Skrik de Munch.

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 15:01

Voici le texte créé pour le jeu d'écriture n°82 du forum littéraire Maux d'Auteurs. Le thème était libre, mais l'histoire devait commencer par "Et si... ?). L'occasion pour moi de "revisiter" à ma façon une chanson que j'aime  :


 

Et si… j’avais été plus sage ?

Cette matinée-là, fuyant les vieilles Rétaises cachées derrière leurs volets verts, nous courûmes à perdre haleine jusqu’au bois de Trousse-Chemise. Seules les victuailles s’entrechoquant dans notre panier et nos souffles courts faisaient écho à nos pas pressés. Passé l’orée, malgré un soleil déjà haut, une ombre salvatrice nous protégea de la chaleur inhospitalière. Les aiguilles de pins, trop sèches, craquaient sous nos espadrilles. Sans ralentir, nos jambes nous portèrent jusqu’à l’anse débouchant sur notre plage, loin des importuns. Là, nous nous affalâmes sur le sable où la marée avait roulé puis abandonné quelques galets roses et ocre. Nous nous tenions les côtes en riant de notre impertinence et en imaginant les ragots qui, portés par des bouches édentées, devaient déjà courir à travers les ruelles de l’île de Ré.

Nous nous baignâmes à la découverte, nous éclaboussant tels les enfants que nous étions encore ; épris l’un de l’autre, sans jamais rien oser, comme des adolescents troublés et malhabiles.

Toujours gaie, les joues rosies, tu étais ma princesse et je voulais être ton chevalier.

Insouciants, nous avions grandi ensemble, sans craindre de croquer à pleines dents une vie riche d’espiègleries. Au fait des secrets de l’un et de l’autre, main dans la main, bouche contre oreille, nos voix chuchotaient des messes basses que bien des curieux auraient voulu entendre.

Sitôt sortis de l’eau, nous profitâmes d’un pique-nique bien mérité et arrosé d’un généreux vin fruité tout en dévorant des tartines, du fromage et des pâtisseries.

Complices.

Comme à chacune de nos escapades, ta voix me charmait. Tu inventais toujours de nouvelles histoires, et moi, assoiffé, je buvais tes mots.

Au fait de nos sens aux aguets, et cependant encore maîtres de nos émotions, nous goûtions cette passion inavouée. C’est du moins ce que je croyais jusqu’à ce que je débouche la seconde bouteille de Muscadet tout en contemplant ta bouche rougie par une poignée de cerises. Une bouffée de désir exacerba mes sens au-delà du raisonnable. Soudain désemparé, je tentai de fuir en regardant au loin, en quête d’un répit.

Devant nous, point de ligne d’horizon, juste une mer grise à perte de vue… Et puis… Mes yeux revinrent vers toi… fascinés par tes pupilles rieuses et enjôleuses pour ne plus s’en détacher.

La tête te tournait.

Je tentai de t’enlacer délicatement mais… mes mains voulurent se rassasier de ta peau, et ma bouche dévora tes lèvres ourlées qui appelaient mes baisers.

J’étais ivre de désir, fou de toi. Plus rien ne pouvait m’arrêter. Je goûtai au fruit défendu que j’avais cru offert sous ta robe légère. Je forçai ton corps à se donner en offrande au mien, souillant notre amour et cueillant ta virginité contre ta volonté.

Moi qui te vouais une adoration sans borne, je déversai mon envie égoïste au creux de ton ventre endolori, malgré tes gémissements plaintifs et les larmes inondant tes joues.

Adultes, nous étions soudain devenus. Amoureuse et émoustillée, tu n’étais plus. Sans un mot, tu m’abandonnas. Sans te retourner, la haine au cœur, tu quittas, pour toujours, l’île de notre enfance.

Depuis, été, automne, hiver ou printemps, pour moi, toutes les saisons sont mortes. Je demeure honteux. Jamais je ne pourrai effacer ce souvenir de ma mémoire.

 

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15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 15:54

(Voici un texte composé pour un jeu d'écriture proposé par le forum "maux d'auteurs". Les mots en gras étaient à glisser dans l'histoire. Le thème : une découverte qui change l'existence)

 

 

Depuis que son bien-aimé l’avait quittée, les larmes versées avaient asséché son corps harmonieux. Ses lèvres gourmandes demeuraient pincées, ses joues pâles et creuses. Ses hanches pleines qui attisaient naguère l’envie des maris et le fiel des épouses avaient perdu leur attrait. Sa démarche onduleuse s'était raidie. Ses pieds traînaient dans la poussière des chemins et heurtaient les cailloux.

 

En sa compagnie, elle s'était montrée plus servile qu'une esclave et il l'avait comblée comme aucun amant n’avait su le faire. Jamais elle n’avait détourné son regard vers d’autres tentations. Fidèle parmi les fidèles, l’impudique avait caché ses pensées impures aux indiscrets. Désormais, lui seul la contemplait nue, lui seul connaissait ses rêves, ses frayeurs enfantines et nocturnes.  

 

Bien des hommes avaient défilé dans sa couche, cependant il les avait tous effacés, sans même la toucher, en la caressant de ses douces paroles. Moins séduisant que d’autres prétendants, mais attentif, son rabbi la surprenait sans cesse. Doté du talent rare des orateurs, il la berçait de sa rhétorique. Pour lui, elle aurait tout donné, y compris sa vie.

 

 Malheureusement, son destin était autre. Un jour, des soldats l’avaient arrêté, puis mené devant un tribunal. Là, traité tel une fripouille, il avait été condamné à quitter ce monde afin de contenter une vox populi manipulée par la colère des prêtres.

 

Avant que le tombeau ne soit scellé, la tradition lui permettait de dire « adieu » au défunt. Les bras chargés d’aromates, de myrrhe et d’aloès, elle prit la route qui menait à sa dépouille.

 

Masquée par un léger voile de lin et par le nuage poussiéreux qui la suivait, à l'abri du regard de cette femme qui l'accompagnait, elle laissa son visage exprimer une colère mêlée de détresse. Ensuite, ses pensées divaguèrent vers des souvenirs heureux que personne ne pourrait jamais lui dérober. Ce fut là qu’elle puisa la force nécessaire pour accomplir sa mission.

 

À l'approche du lieu, dans ses yeux autrefois de braise, un feu follet s’embrasa. Elle accéléra le pas, mais trébucha sur quelques chicots entravant les abords de l’antre. En se redressant, elle scruta les alentours. Le corps avait disparu, pourtant tout indiquait sa présence récente. Son odeur hantait encore la grotte, des effets gisaient au sol. Elle se jeta sur le linceul, huma la sueur qui l'imprégnait et qui éveilla, un instant, son désir. Puis, une lueur d'inquiétude se mêla à l'espoir qui l'avait d'abord envahie. Sa compagne lui saisit la main. Elles unirent leur surprise, partagèrent leurs doutes, avant de se séparer sans avoir pu rendre un dernier hommage à l’aimé. La prophétie se réalisait-elle ?

 

Effrayée, elle entra dans le potager, courut à travers les rangées de salades jusqu’au jardin aux simples. Elle cria sa douleur sans retenue, loin des intrus. Alors qu'elle tombait en pâmoison, deux anges vinrent sécher ses larmes. Soudain, il lui apparut. Interdite, elle but ses révélations, l'adora et se prosterna à ses pieds tant de fois lavés.

 

Après son départ, la jeune femme partit annoncer la bonne nouvelle aux hommes et aux femmes qui, comme elle, se morfondaient.

 

C'est ainsi qu'en ce matin de la pâque, la catin fut récompensée de sa ferveur et devint celle que Yéchoua avait chargée d'annoncer la Résurrection. La légende de Marie de Magdala, la pécheresse faite sainte, l'apôtre des Apôtres, était née et sa vie changée pour l'éternité.  

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 14:23

Voici la modeste contribution envoyée au jeu d'écriture n°79 du site Maux d'Auteurs où il convenait " en quelque sorte" de rendre hommage à Rimbaud :

 

Nous nous perdîmes de vue le jour où chacun suivit son bataillon, direction Metz. Il emboîta les pas du maréchal Bazaine et moi, ceux du maréchal Mac Mahon. Nous étions tous les deux à portée des lignes de tir de Frédéric-Charles de Prusse, mais sans jamais nous croiser.

Sur les champs de bataille, je n’aperçus à aucun moment son chassepot, même lorsque nos troupes effectuèrent une jonction pour un ultime assaut du côté de Sedan. Une tentative désespérée après des heures de luttes sanglantes pour que,  finalement, l’état-major français s’avouât vaincu et autorisât les hommes à battre en retraite.

 Au cours de la journée, sous les balles ennemies, je n’eus guère le temps de penser à lui. J’avais ma peau à sauver et celle de mes adversaires à trouer. Cependant, s’il m’avait frôlé lors d’une percée ou d’une reculade, mon cœur aurait deviné sa présence, même furtive. Son odeur ne m’eût pas échappé malgré le soufre irritant nos muqueuses, la fumée des obus obscurcissant la vue ou la mort fauchant à tour de bras et emportant avec elle la raison des survivants.   

À présent, repliés à distance respectable des bases prussiennes, et après avoir ramassé nos blessés, abandonné nos morts, récupéré des armes et quelques munitions, nous avions enfin gagné le droit de nous reposer ou de nous divertir.

Malgré la cohue, persuadé qu’il errait aux alentours, je partis à sa recherche. Une fièvre irriguait mon corps rompu par la fatigue, réveillait mon désir.

 Je fis le tour de l’étang voisin où certains fantassins piquaient une tête, tandis que d’autres écrivaient à leur bien-aimée ou somnolaient à l’ombre d’un sapin. Les uniformes des différents bataillons se mêlaient sans discernement. Un besoin d’oubli se faisait impérieusement ressentir après les heures terribles que nous venions de partager.

Je passais d’un groupe à l’autre, aux aguets, interrogeant chacun, sans succès.

Après avoir longé l’orée d’un bois jouxtant notre jolie mare vert émeraude, las, je m’apprêtais à rebrousser chemin lorsque je rencontrai ce jeune rouquin aux yeux bleus et aux taches de son dissimulées sous une épaisse couche de crasse. Il me conseilla de suivre un sentier plus au sud débouchant sur un champ à l’écart des troupes au repos. Je suivis ses indications et découvris un trou de verdure baigné d’une douce lumière. Mes yeux émerveillés se promenèrent sur ce paisible val, dominé par une fière montagne, et bordé d’herbes folles mêlées aux haillons d’argent d’une rivière encore vierge du sang de nos soldats.

Soudain, je l’aperçus, au loin, étendu, la tête nue effleurée par un léger vent, la bouche ouverte. Ses pieds reposaient dans les glaïeuls et sa nuque dans le cresson bleu. Il dormait.

J’avançai à pas feutrés, les sens en éveil, le cœur battant la chamade, le sourire en bandoulière, et la main tendue prête à caresser sa peau. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. On n’est pas sérieux quand on est amoureux.

À mon approche, il ne bougea pas, n’esquiva pas le moindre geste. Pâle, tel un enfant malade, il faisait un somme tout en souriant à la vie, malgré le froid qui l’enveloppait. À travers les feuillages, les rayons du soleil l’irradiaient sans le réchauffer. Ses narines ne frémissaient pas sous les parfums offerts par la luxuriante nature qui le berçait doucement.

Il avait deux trous rouges au côté droit.

 

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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 10:05

La co-écriture donne parfois naissance à des délires féconds d'où émergent des textes originaux, ce fut le cas de celui-ci, signé avec Beñat Laneguine (connu aussi sous le pseudo de Canardo) : 

 

La porte s’ouvre, le président de la cour et ses  assesseurs se positionnent devant leur chaise. Les autres aussi sont debout, même le prévenu, un habitué des lieux. Une fois le rituel de présentation accompli, s’ensuivent pendant de longues heures les témoignages boiteux, les interrogatoires douteux. L’accusé donne peu de voix. Il se considère comme innocent alors… Après lui, le déluge. D’ailleurs il refuse de répondre aux questions qui lui sont soumises. Ses pensées le conduisent vers Noé qu’il aurait dû suivre, au lieu de retourner sur le lieu du crime. Aujourd’hui, il voguerait tranquillement loin d’ici. Mais il n’avouera ce regret à personne, pas même à Lamech, assis au fond de la salle et dont le regard absent pèse sur ses épaules.
Il se moque de tout ce cirque, il devine trop bien le dénouement de l’histoire. Et puis, ce n’est pas son premier séjour à l’ombre. Sans conviction, le président essaie de lui faire la morale, son rôle est de juger, mais aussi d’expliquer.
S’ensuit le réquisitoire du procureur général. Enfin, dans un silence glacial, celui-ci réclame la réclusion à perpétuité. Sa voix tonne, résonne et impressionne. Le public venu nombreux se recroqueville sur lui-même sans quitter des yeux l'homme encadré par les cognes. C’est lui qui les passionne le plus, c’est lui qu’ils sont venus voir. Comme eux, le jury est troublé et captivé par cette légende vivante qui demeure inébranlable et impose à tous le respect. Son aura est perceptible. Il leur fait peur et pourtant une forme d’admiration se lit dans leurs regards.
L’heure des délibérations est venue. Dans les coulisses, le débat s’éternise. Dans la salle d’audience, les gens s'impatientent. Lui, il attend. Il sait que ce jugement ne sera pas le dernier.
La décision est enfin prise. Un léger brouhaha anime le palais. Chacun reprend sa place dans la sinistre pièce. La justice va être rendue.
Après s’être éclairci la voix, le juge prononce enfin la sentence : c’est un multirécidiviste, il est donc condamné à une peine de sûreté de cent cinquante ans de prison. L’ancien n’en a cure, il ressortira. Milieu ou gendarmes, tous le craignent. C’est lui le patron, le patriarche. Mathusalem a tout son temps…

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 16:38

Je ressuscite ce petit texte co-écrit avec Beñat Laneguine (alias Canardo pour certains). Nous avions laissé voguer notre imagination, résultat : il diffère un peu de ce que j'écris seule :

 

 

Adossés à une Ford T, à l’abri de l’immense temple protestant dominant la ville de Brainstone, Bonnie et Clyde se préparent à commettre leur premier méfait, un coup d’une simplicité déconcertante. Durant des semaines, ils ont observé les habitudes de chacun, les allers et venues des clients. Durant des semaines, ils ont dessiné les plans du magasin et de ses alentours tout en imaginant le scénario qui sera le leur. Tout est calculé, même les rondes du shérif sont répertoriées dans un vieux cahier d’écolier. Le risque zéro est assuré.
Le jour tant attendu arrive enfin. Un soleil de plomb assomme la ville. Dans les rues, il n’y a pas l’ombre d’une âme qui vive. Clyde réajuste son panama après s’être essuyé le front avec son mouchoir. Bonnie replace les plis de sa jupe, remonte ses chaussettes et se recoiffe. Ils sont calmes et concentrés, les traits de leurs visages sont à peine tendus. Après avoir échangé un dernier regard, ils partent chacun de leur côté.  
Comme tous les mardis, Angela tient seule l’épicerie. Bonnie et Clyde ont remarqué que son mari vaque à d’autres occupations. Ce sera un coup facile, mais ils savent que d’autres viendront où coulera le sang. Les battements de leurs cœurs s’accélèrent, leurs mains ne tremblent pas, c’est leur destin. Une montée d’adrénaline les envahit. Le couple joue maintenant dans la cour des grands. Ils n’ont peur de rien, leur instinct les guide. Bonnie et Clyde sont nés pour braquer.
Ils approchent en silence.
Devant l’entrée, la patronne somnole sur son rocking-chair. Ses mouvements sont lents, ses kilos sont là. Ses cheveux gris et graisseux collent à ses tempes. Sa robe épouse avec difficulté ses formes débordantes. Sa canne repose à ses côtés. Bonnie grimace en regardant ce tas informe affalé au fond du fauteuil à bascule. Clyde s’en moque, il arrive tranquillement sur le côté du bâtiment, les mains dans les poches.
Il a pour mission de voler, elle, elle doit maîtriser la vieille impotente.
Les ronflements de l’épicière couvrent les légers bruits provoqués par leurs chaussures. Clyde, tel un chat, passe par la fenêtre pendant que Bonnie se saisit de la canne. Il trouve rapidement cet or qui lui tend les bras, il s’en empare puis s’éloigne en direction de l’auto. Il tend l’oreille et reste aux aguets.
Bonnie lève son arme et le coup part en plein dans la tête.
Imperturbable, elle rejoint l’homme de sa vie. Celui-ci est surpris, jamais elle n’avait perdu la raison.
 — Pourquoi l’as-tu assommée avec sa canne ? demande Clyde
 — Elle ronflait trop fort ! répond malicieusement Bonnie, une étrange lueur dans les yeux.
Elle esquisse un sourire, l’embrasse rapidement. Le temps presse. Ils sautent sur leurs vélos et décampent avec leur butin.
Bonnie, neuf ans, et Clyde, dix ans, ont trois kilos de bonbons dans leur musette et un palmarès à venir.
 

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14 août 2011 7 14 /08 /août /2011 16:14

J'ai retrouvé ce texte déjanté écrit pour un jeu d'écriture du forum Maux d'Auteurs (la phrase en rouge était imposée)

 

Un matin, un lion et une hyène du jardin des Plantes réussirent à ouvrir la porte de leur cage, fermée avec négligence. Cinq heures du mat’, Paris s’éveille, la liberté est à leurs pieds…

Lui choisit de flâner aux terrasses des cafés, avenue des champs Elysées, puis de somnoler sous les parasols du Trocadéro. Il ne chasse que la nuit. Le jour, le roi des animaux se prélasse tout en repérant tranquillement ses proies. Le temps lui appartient. 

Elle, elle décide de rejoindre ses copines au bar des Charognardes. Il lui faut traverser Paris. L’arrière-train bringuebalant, elle longe les rues de la capitale. Gênés, les mâles qu’elle croise l’évitent, ils préfèrent scruter le sol bétonné et crasseux. Ils se font petits, tout petits. À leur vue, la bouche de la hyène se plie en un rictus mauvais, elle émet des grincements aigus. Dans ses yeux se distillent quelques gouttes de ce plaisir pervers qu’elle recherche tant, mais aucun d’eux ne peut la satisfaire, car un seul occupe son esprit. Cependant, leur attitude la rassure sur sa capacité à dominer. Elle est soulagée, rien n’a changé, ils ont toujours peur de son ombre, peur de la mort qui rôde.

La journée du roi des animaux s’étire doucement. Il attend patiemment le coucher du soleil, alors viendra le moment de la chasse. Pour l’instant, il imagine la gazelle qu’il va se mettre sous la dent et rêve de son odeur sauvage, de sa peau ambrée. Il s’en lèche les babines, une douce chaleur envahit son ventre, ses pattes le démangent. Il émet un léger grognement.

La hyène a passé la journée avec ses alliées, des heures de bavardages, de stratégies, d’essayages, de maquillage. Elle est enfin prête. Elle connait sa proie, ses habitudes, ses faiblesses. Depuis des mois, elle épie l’animal et guette la moindre opportunité. Son instinct ne l’a jamais trompée, son heure est enfin arrivée. Ce lion, elle le veut, elle l’aura.

La lune pleine et ronde a relayé maintenant le soleil, l’air se rafraîchit  tandis que les esprits et les corps s’échauffent. L’alcool coule à flot sous les spots du Savane dancing. Le lion est accoudé au bar, le regard à l’affût, le nez en l’air. Il flaire, désire. La hyène et sa meute l’ont aussitôt repéré. La traque peut commencer. Il est parfait : son corps est long et souple, sa crinière fauve descend en cascade, son pantalon laisse deviner des gigots fermes, ses épaules musclées et son buste trapu appellent la femelle à se blottir.

Le pelage moucheté luisant sous les lumières tamisées, elles s’installent au bar, près de lui. Tout près.

Trop absorbé par le corps d’une antilope qui ondule sur la piste de danse, le fauve ne les a pas senties pas s’approcher. La hyène le frôle. Surpris et un peu paniqué, il a le cœur qui s’emballe. Il contemple ce visage tacheté de fards aux couleurs criardes, ce rictus qui articule des mots qu’il ne comprend pas. Elle l’enlace, ses complices l’encouragent. Elles ont faim et sont concentrées sur leur victime, l’ivresse de la chasse les transporte. Leurs yeux se font cruels, une patte s’avère sournoise et se balade entre les cuisses non consentantes de la proie. Elle se fait plus pressante. Plaqué contre le zinc, il ne parvient pas à se dérober. Une bouche étouffe la sienne, des cris aigus saluent la victoire. Pris à la gorge, le lion n’a pas bougé. Trois heures du mat’, Paris sommeille, le pari est remporté, Sa Majesté est matée.  

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8 août 2011 1 08 /08 /août /2011 18:17

Les rayons du soleil s’infiltrent par les interstices des volets clos sans parvenir à entamer la pénombre salutaire de la chambre. J’aime ces instants, je me délecte de sa présence tout en me prélassant contre elle. Une charmante volupté a engourdi nos corps. Un simple voile de coton la recouvre délicatement, laisse transparaître son grain de peau hâlé. Son parfum suave et vanillé s’exhale de l’étoffe, chatouille mes sens. Lové au creux de son ventre j’en sens la chaleur, l’humidité, j’en devine la douceur. Cette agréable moiteur me gagne et nous ne faisons plus qu'un, unis dans une même langueur. Nous nous abandonnons au plaisir de la sieste par ce bel après-midi d'été. Ses mains posées près de moi sont parfois prises de légers soubresauts. Par moment l’une de ses paumes erre sur mon dos, je retiens mon souffle dans l’attente d’une caresse… Puis nous retombons dans notre léthargie, heureux et comblés. J’apprécie sans remords les bienfaits de ce repos mérité. Mais voilà que je la sens bouger, s’étirer, se lever ! Elle s’éloigne à pas de loup sans m’adresser le moindre regard. Je guette. J’entends couler l’eau d’une douche rafraîchissante qui va laver l’odeur que j’ai pu laisser sur sa peau. Le bruit du jet s’arrête, ma belle va se vêtir de ses plus beaux atours, je comprends alors que je vais finir la journée sans elle, une fois de plus. Ses rendez-vous l’attendent, elle se presse. Grognon, je m’extraie des draps et quitte moi aussi ce lieu. J’évite de la croiser, je fuis même son reflet en passant devant la glace de la salle de bains où elle doit redessiner avec soin le contour de ses lèvres gourmandes à moins qu’elle ne soit en train de souligner ses jolis yeux noisette avec son mascara. Puisqu’il en est ainsi, je ne lui dirai pas « au revoir », je ne me frotterai pas contre ses jambes élancées lorsqu’elle viendra me susurrer « à ce soir » avant de franchir le seuil de la maison. Non, je préfère l’ignorer et gagner mon panier d’osier au fond du couloir où personne ne vient jamais, où je peux ronronner et ressasser mes déceptions sans être dérangé.

 

 

 

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